« Le 21 novembre 1997, entouré de mes collègues élus
du conseil général, je faisais Youssef Chahine citoyen d’honneur de la
Seine-Saint-Denis. En fouillant dans mes papiers, j’ai retrouvé une photo où je
salue Youssef.
C’était un homme chaleureux, généreux, jamais avare de
son temps ni de sa parole. Durant les quelques heures que j’ai passées avec
lui, je l’ai vu s’adresser à tout le monde sans jamais se lasser. Après une
accolade brève mais intense avec l’un de ses compatriotes, Youssef m’a parlé du
procès que lui avait attenté un avocat intégriste pour son livre L’émigré. Et
d’une brûlure plus intense lorsqu’il me raconte comment les intégristes avaient
mis la main sur l’acteur Mohsen Mohieddin, celui qui était devenu son alter
ego, disait-il. Nous avons également parlé de son dernier film Le Destin qu’il
avait présenté au festival de Cannes cette année-là,
Plus célébré à l’étranger que dans son pays, Youssef
Chahine avait obtenu, précisément en 1997, le prix du cinquantième anniversaire
du Festival de Cannes pour l’ensemble de son œuvre.
Né à Alexandrie, éduqué en français et en anglais,
Youssef Chahine est l’auteur d’une œuvre riche d’une quarantaine de films, dans
lesquels il n’hésite pas à évoquer ses souvenirs et à affirmer ses idées de
gauche et anti-islamistes. C’est lui qui a découvert Omar Sharif qu’il a fait
tourner dans Le Démon du désert en 1954 puis dans Les Eaux noires deux ans plus
tard. Dans tous ses films, Youssef Chahine n’a cessé de prendre son pays comme
toile de fond.
Toute la société égyptienne est passée sous son regard
perspicace, acéré : la pauvreté, le monde ouvrier, les luttes d’indépendance.
Youssef est mort le 27 juillet 2008, à la suite d’une hémorragie cérébrale.
C’était une bien triste journée. Il n’aura pas vu en 2011, dans son Alexandrie
natale, l’éclatement de la révolte des Egyptiens. Sans doute aurait-il imaginé
une histoire, un personnage tentant de retrouver dans cette cohue populaire,
quand tout le monde se côtoyait, femmes, hommes, jeunes, vieux rassemblés dans
un souffle, un slogan, le fameux « Dégage » du « printemps arabe » lancé à la
face de Hosni Moubarak et de tous ceux qui l’accompagnaient ».
(À L’ÂGE OÙ A VIE SE RACONTE. PAGES 175 ET 176)
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