« Massacres des innocents », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité.

La folie meurtrière, qu’elle s’appuie sur une idéologie de terreur ou qu’elle ­résulte d’une déchéance personnelle, n’a ni ­religion, ni frontière, ni patrie. Cette ennemie redoutable peut surgir n’importe où et prendre le visage de n’importe qui. Restreignez le droit d’asile, fermez les frontières – si tant est que cela soit possible –, remplissez les charters : cela n’empêchera pas un forcené, un jour, de s’en prendre à des enfants dans un parc, une école ou dans la rue. Ce n’est pas le droit d’asile qui est responsable du passage à l’acte aussi horrible qu’insensé, à Annecy, d’un homme à la dérive. Et le crime d’un seul ne doit pas rejaillir sur les 137 000 demandeurs d’asile en France qui ne partagent rien d’autre avec le ­réfugié syrien arrêté que le fait d’avoir activé la même procédure.

« Les Républicains », le parti Renaissance et le RN se sont lancés dans une course pour les européennes qui a pour objet de corseter le débat public autour de la problématique de l’immigration et de la souveraineté. Sous couvert de s’affronter sur la question du respect ou non des législations européennes, ces partis poursuivent un intérêt commun : la mise sur la touche de la question sociale revenue en force avec le mouvement des retraites. Dans cette course dont l’extrême droite donne le tempo, les récupérations les plus abjectes sont de mise, comme celle à laquelle nous assistons depuis quatre jours.

On ne sait pas, pour l’heure, quel cheminement de pensée monstrueux a mené l’agresseur d’Annecy à perpétrer ses actes funestes. Mais il n’est pas rare que les gestes les plus odieux et les plus incompréhensibles entrent en résonance avec d’autres atrocités auxquelles l’assaillant est relié par son vécu et celui de ses proches. Difficile, dans le cas d’Abdalmasih H., de ne pas se remémorer la guerre qui a ravagé la Syrie cette dernière décennie et ses piles de cadavres et de blessés, enfants compris. La boucle de l’horreur est ainsi bouclée, pour le pire et pour l’absurde, ajoutant les blessures des innocents d’Annecy au massacre d’autres innocents.