mercredi 15 mars 2023

« Ordures et droit de grève, l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité.



La grève des éboueurs est comme un concentré saisissant des enjeux qui se font jour autour de la réforme des retraites. Les éboueurs font un métier difficile, pénible. Ils sont exposés à une multitude de risques sanitaires, ils travaillent souvent en horaires décalés, portent des charges lourdes avec, comme conséquence, une espérance de vie de douze à dix-sept ans inférieure à la moyenne de l’ensemble des salariés, selon le syndicat CGT de la filière. Pourtant, c’est à eux aussi que le gouvernement réclame des efforts. Actuellement, ils partent à 57 ans, avec la réforme, à 59 ans. Et la durée de cotisations pour un départ à taux plein atteindra bientôt 43 annuités. Ce qui, dans les faits, va pousser beaucoup d’éboueurs à travailler jusqu’à 60 ans et au-delà.

Souvenons-nous, les éboueurs faisaient partie de ces professions en première ligne pendant le confinement. Le maintien de la propreté a été une des priorités lors de la crise sanitaire du Covid. Le télétravail ne permet pas de ramasser les ordures. Les éboueurs ont rempli leurs missions. Les populations les en ont remerciés. Des dessins d’enfants déposés à côté des poubelles, des petits mots pleins de solidarité et d’admiration. En revanche, ils n’ont rien reçu de la part du gouvernement ou de leur employeur. Pas de revalorisation salariale, pas d’embauches supplémentaires pour réduire le temps de travail…

Une situation qui, non seulement, conforte leur opposition à la réforme Macron, mais qui valide également les propositions de baisse de l’âge légal de départ à la retraite. Alors, oui, leur grève est légitime. Et comme toute grève, il est normal qu’elle ait des conséquences désagréables. Mais pour la droite et la Macronie, la grève n’est tolérable que si elle «ne se voit pas». Injonctions au service minimum, aux réquisitions, sommations de reprise du travail, recrutement d’entreprises privées de nettoyage, sur deniers publics,  pour casser la grève, tout cela au nom de la «sécurité sanitaire»«Le gouvernement comprend fort bien que les grèves dessillent les yeux des ouvriers, cest pourquoi il les craint tant et sefforce à tout prix de les étouffer le plus vite possible», écrivait Lénine. Si, aujourd’hui, le pouvoir ne fait pas tirer sur les grévistes – comme il l’a fait sur les gilets jaunes –, il fait tout pour rogner le droit de grève. La grève des éboueurs a le mérite de montrer au grand jour qui sont les ordures. 

 

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