Six heures trente. La campagne gersoise
doucement s’éveille, une brume légère enveloppe telle une grande écharpe le
paysage qui s’étire à perte de vue. Les herbes, dont les extrémités sont
perlées par la rosée matinale, ressemblent à une myriade de diamants.
J’emprunte un sentier que longe une petite rivière, un couple de colverts au
plumage chatoyant glisse amoureusement sur l’eau translucide. La lune blafarde
commence à baisser sa garde en jetant un dernier regard sur ce paysage éternel,
laissant alors le champ libre aux premiers pâles rayons du soleil qui perce
timidement derrière une rangée de peupliers gigantesques semblant se tenir au
garde à vous. Je continue ma marche silencieuse sur un étroit sentier qui
serpente la colline. Au loin se font entendre les sept coups de l’angélus. Sur
ma gauche, à peine apparente, recouverte de mousse, une voie de chemin de fer
aux traverses de bois rongées par les intempéries, usées par le temps et
abandonnées depuis de nombreuses années. Pourtant, en la regardant, dans mes
oreilles résonnent le grondement sourd du train ainsi que son sifflement, c’est
une image du passé qui ravive mes souvenirs car la modernité a pris le pas sur
l’ancienneté. Entre de petits îlots verdoyants, des arbres dénudés conjuguent
vie et mort à l’image de nos vies. Habitations en vue, des tas de bois adossés
aux maisons annoncent un hiver rude, mais évoquent aussi des veillées joyeuses
au coin du feu entre voisins, soirées faites de rencontres, d’échanges et de
partage. Mes pas me conduisent ensuite près d’un enclos où des vaches ruminent.
A l’écart en contre-bas un poulain tête sa mère. Fascinée par ce charmant
tableau, je me dis que Dame Nature est bien belle. Chemin faisant ici et là,
des petits monticules de feuilles desséchées, palette de couleurs variées qui
vont du rouge vif en passant par le brun et l’ocre, une merveille pour les
yeux. Merci à toi le vent qui n’a pas encore accompli ton œuvre. Une buse vient
de faire une halte sur un câble à haute tension avant de reprendre son envol
vers une mystérieuse destination. Je m’assois sur un tronc d’arbre, je respire
l’air si vivifiant, je fais le plein de mes poumons. J’apprécie ce silence qui
se dégage de la nature. La beauté de ce paysage m’émeut profondément, elle
pénètre mon esprit si différent du quotidien de ma vie à la ville.
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