La question du statut de la Corse inaugurerait-elle une réforme constitutionnelle
périlleuse pour la République elle-même ? Reconnaître la diversité
culturelle et permettre une décentralisation qui réponde aux préoccupations
d’un territoire ayant connu des violences et des crises implique un geste
républicain. Mais la voie choisie par le gouvernement semble s’en écarter.
Parmi les
pistes proposées par le projet de loi constitutionnelle, figure une définition
de nos concitoyens corses qui serait gravée dans le marbre dans les termes
suivants : une « communauté historique, linguistique, culturelle
et ayant développé un lien singulier avec sa terre ». Le Conseil
d’État s’en est d’ailleurs ému, en suggérant de remplacer le terme « communauté »
par celui de « population », en supprimant ce curieux « lien
singulier » avec la terre. En outre, le projet de l’exécutif prévoit
l’octroi d’un pouvoir législatif, mais dont la hiérarchisation vis-à-vis des
lois nationales n’est pas claire.
Qui, dans la
France républicaine, n’entretient pas un tel lien singulier avec sa
terre ? Les Bretons, les Provençaux, les Alsaciens, les Catalans ne
seraient donc pas à leur tour en mesure de faire prévaloir cette
particularité ? La brèche pour d’autres revendications autonomistes
fondées sur ce communautarisme régionaliste apparaît béante. Et ainsi que le
souligne le constitutionnaliste Benjamin Morel, cette définition renverrait « à des
caractéristiques subjectives excluantes d’autres groupes ».
En réalité, le
gouvernement pourrait bien se tromper à nouveau de cible concernant la Corse.
Au-delà des revendications légitimes portant sur la protection
de la langue ou
l’insularité du territoire, les communistes corses soulèvent à chaque réforme
du statut une question centrale pour la région la plus pauvre de France
métropolitaine, selon l’Insee : la question sociale. « Depuis
quarante ans, chaque décennie a eu son statut sans que cela se traduise par une
amélioration de la situation sociale, au contraire », rappelle ainsi
le chef de file du PCF, Michel Stefani. Peut-être est-ce par là que l’exécutif
devrait commencer.
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