jeudi 22 février 2024

« Ténèbres » l’éditorial de Rosa Moussoui dans l’Humanité.



À l’automne dernier, le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, exhortait son pays à prendre au sérieux la possibilité d’une guerre en Europe occidentale. « Nous devons nous préparer à la guerre. Préparer la Bundeswehr (l’armée allemande – NDLR) et la société », insistait-il. Au mois de janvier, c’est un haut gradé de l’Otan, le lieutenant général Alexander Sollfrank, qui sonnait à son tour le tocsin : l’Alliance atlantique, expliquait-il, dispose de trois ans pour se préparer à l’éventualité d’une offensive russe contre un État membre de l’Union européenne. « Nous devons être prêts à protéger l’ensemble du territoire européen », mettait-il en garde.

Une rhétorique martiale partout reprise, deux ans après le début de la guerre en Ukraine et au moment où tout le Moyen-Orient menace de s’embraser. En France aussi, l’esprit de guerre étend son ombre. Il colonise jusqu’à la langue de gouvernants, qui n’ont plus que le mot « réarmement » à la bouche. Dans son avis sur le projet de loi de finances 2024, la commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat recommandait ainsi de hâter « le passage à l’économie de guerre » pour « supporter un choc de haute intensité ». Les odes exaltées à la construction européenne, garante de paix, se sont tues. Des scénarios s’échafaudent : aucun n’envisage d’issue politique et diplomatique aux conflits.

Ce climat nourrit un vorace appétit d’armes et d’équipements militaires : les importations d’armes majeures par les États européens ont crû de 47 % entre 2013 et 2017 et entre 2018 et 2022. Sur la même période, les exportations d’armes de la France ont connu une envolée : 44 % de croissance. Pris dans les rets d’une grave crise systémique, sur fond de chaos écologique et climatique, le régime capitaliste aiguise les antagonismes, prépare les consciences à la fatalité de la guerre. Sa puissance de destruction est apocalyptique. En 1905, Jean Jaurès lançait cet avertissement : « Dans l’Europe d’aujourd’hui, ce n’est pas par les voies de la guerre internationale (…) que les griefs de peuple à peuple seront redressés. » La guerre qu’il redoutait déjà a fini par précipiter le Vieux Continent dans les ténèbres. Pas plus aujourd’hui qu’hier, elle n’est une issue.

 

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