À l’automne dernier, le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius,
exhortait son pays à prendre au sérieux la possibilité d’une guerre en Europe
occidentale. « Nous devons nous préparer à la guerre. Préparer la
Bundeswehr (l’armée allemande – NDLR) et la société », insistait-il. Au
mois de janvier, c’est un haut gradé de l’Otan, le lieutenant
général Alexander Sollfrank, qui sonnait à son tour le tocsin : l’Alliance
atlantique, expliquait-il, dispose de trois ans pour se préparer à
l’éventualité d’une offensive russe contre un État membre de l’Union
européenne. « Nous devons être prêts à protéger l’ensemble du
territoire européen », mettait-il en garde.
Une rhétorique martiale partout reprise, deux ans après le début de la
guerre en Ukraine et au moment où tout le Moyen-Orient menace de s’embraser. En
France aussi, l’esprit de guerre étend son ombre. Il colonise jusqu’à la langue
de gouvernants, qui n’ont plus que le mot « réarmement » à la
bouche. Dans son avis sur le projet de loi de finances 2024, la commission des
Affaires étrangères et de la Défense du Sénat recommandait ainsi de hâter « le
passage à l’économie de guerre » pour « supporter un
choc de haute intensité ». Les odes exaltées à la construction
européenne, garante de paix, se sont tues. Des scénarios
s’échafaudent : aucun n’envisage d’issue politique et diplomatique aux
conflits.
Ce climat nourrit un vorace appétit d’armes et d’équipements
militaires : les importations d’armes majeures par les États européens ont
crû de 47 % entre 2013 et 2017 et entre 2018 et 2022. Sur la même période,
les exportations d’armes de la France ont connu une envolée : 44 % de
croissance. Pris dans les rets d’une grave crise systémique, sur fond de chaos
écologique et climatique, le régime capitaliste aiguise les antagonismes,
prépare les consciences à la fatalité de la guerre. Sa puissance de destruction
est apocalyptique. En 1905, Jean Jaurès lançait cet avertissement : « Dans
l’Europe d’aujourd’hui, ce n’est pas par les voies de la guerre internationale
(…) que les griefs de peuple à peuple seront redressés. » La
guerre qu’il redoutait déjà a fini par précipiter le Vieux Continent dans les
ténèbres. Pas plus aujourd’hui qu’hier, elle n’est une issue.
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