mardi 21 novembre 2023

« Outrance et dangerosité », l’éditorial de Cathy Dos Santos dans l’Humanité



Les plus sombres analyses de l’intellectuel Eduardo Galeano se réalisent sous nos yeux. Dans Sens dessus dessous, le romancier et essayiste uruguayen pointait les risques majeurs d’un capitalisme débridé et hégémonique. L’avènement de Javier Milei, qui occupera la fonction de président de l’Argentine le 10 décembre, concrétise la funèbre prophétie du regretté Galeano, qui voulait croire en un sursaut alternatif.

L’extrême droite débarque donc en force à la Casa Rosada, quatre décennies après la fin de la dictature aux 30 000 morts et disparus. Le programme du « Fou », l’un de ses nombreux surnoms, glace jusqu’au sang : privatisations, école et santé publiques réduites à néant, libéralisation du port des armes et de la vente d’organes, dynamitage de la Banque centrale et dollarisation de l’économie. Le libertarien, antiféministe et climato-sceptique, de surcroît, a hurlé aux quatre vents qu’il tailladera, à coups de tronçonneuse s’il le faut, l’État et les avancées sociétales du kirchnérisme.

Le choc est dur à encaisser, même si la victoire de Javier Milei n’est pas un accident. Malgré la grossièreté, l’outrance et la dangerosité du personnage, cet ancien bouffon de la télévision et chantre d’un libéralisme exalté a su jouer de la défiance de ses concitoyens sur fond de faillite économique structurelle.

Une part importante de l’électorat, dont les primo-votants, a été séduite par la violence d’un discours radical contre la « caste » politique, coupable de l’inflation galopante qui a plongé 30 % des foyers dans la pauvreté.

Le candidat antisystème est pourtant le pur produit d’un système en crise, qui ne trouve aujourd’hui d’issue que dans les populismes et les fascismes. Sa vice-présidente, Victoria Villarruel, s’est d’ailleurs chargée de tisser des relations avec les formations d’extrême droite, dont les néofranquistes de Vox.

L’oligarchie dite traditionnelle porte une lourde responsabilité dans cette élection. L’ancien président Mauricio Macri a ouvertement roulé pour Javier Milei, qui a d’ailleurs bénéficié d’un incroyable report des voix de la candidate de droite, Patricia Bullrich. La gauche, prise dans ses contradictions et ses renoncements, devra, elle aussi, tirer les conclusions de cette catastrophe. Après les années Trump et Bolsonaro, voilà que Javier Milei plonge l’Argentine dans des jours incertains et lugubres.

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