samedi 9 septembre 2023

« ULTRADROITISÉ(S) : LE PEN PROGRESSE ENCORE DANS L'OPINION », le bloc-notes de Jean-Emmanuel Ducoin.



Avec la rentrée, voici le retour de la «grande peur» à conjuguer à tous les temps, comme s’y emploient tous les gratte-papier blanchis sous le harnais. Le dernier sondage en date, celui de Viavoice pour Libération, confirme en effet ce que nous savons depuis longtemps : le Rassemblement national de Fifille-la-voilà a gagné en «crédibilité» et en «respectabilité», selon la terminologie référente. L’héritière de l’extrême droite française recueille 37% d’opinions favorables, score assez haut pour en faire la seconde personnalité politique la plus populaire, derrière Édouard Philippe. Fifille-la-voilà progresse de 10 points depuis novembre 2021, sachant que, dans le même mouvement, les opinions défavorables chutent de 13 points à 51%. Ajoutons que près d’un tiers des sondés déclarent que leur perception de la cheffe du RN a évolué «favorablement» dans les derniers mois. Voilà pour les chiffres, assez éloquents, qui annoncent non pas un désastre programmé mais renforcent sa possibilité même.

 

Notre maudit miroir du temps, comme une mise en abîme, incite au combat et devrait éloigner les désarrois potentiels des promeneurs solitaires. Sous les clapotis de l’actualité, le nez déjà écrasé sur la vitre, l’heure redevient grave face à l’essentiel. Le bloc-noteur a de la mémoire et n’oublie pas que les bonnes âmes, qui pensaient que le «plus rien ne sera comme avant» de Mac Macron allait se traduire par un aggiornamento avec les politiques antérieures, savent depuis longtemps à quoi s’en tenir. Le monarque devait soi-disant se réinventer. À un détail près. Il s’est bel et bien réinventé… résolument à droite. Le «ni gauche ni droite» des débuts s’est définitivement transformé en «ni gauche ni gauche» et les crédules qui s’attendaient à ce que le «nouveau chemin» de la Macronie emprunte une rive «progressiste» se sont noyés au milieu du fleuve en crue, emportés par le courant libéral. Après avoir siphonné la gauche libérale et la droite dite «classique», Mac Macron a ultradroitisé tous ses choix au profit de son assurance-vie : Fifille-la-voilà. Responsabilité historique. En balisant la voie à son adversaire préférée, en lui abaissant un pont-levis, n’a-t-il pas mis en péril la démocratie, sinon la République elle-même? Le pays se retrouve désormais dans une situation banalisée où le RN, 88 députés, n’a évidemment pas la force – ni la volonté – de peser dans le cadre d’une éventuelle coalition comme en Italie, en Suède ou en Finlande, mais s’inscrit dans une démarche de conquête électorale à la faveur des bouleversements qui secouent notre société. Plus grave, du fait de Mac Macron, le RN a même gagné des galons sur le chemin de la notabilisation républicaine en étant invité, comme si de rien n’était, aux récentes «Rencontres de Saint-Denis».

 

Nous sommes loin des propos de la première sinistre, qui avait rappelé que le RN est un «héritier de Pétain» porteur «d’une idéologie dangereuse» dont «il ne faut pas banaliser les idées». Depuis, Mac Macron a réclamé du «fond» et du «concret» pour s’attaquer à l’extrême droite, les «arguments moraux» ne suffisant plus. Tâche ardue, et mensonge éhonté, comme en témoigne la tonalité politique de la Macronie depuis la rentrée. Comme par hasard, le thème de l’immigration est sur toutes les bouches. Même Mac Macron, dans le Point, le 23 août, n’a pas hésité à affirmer qu’«il faut réduire significativement l’immigration». Bref, la drague continue et Fifille-la-voilà n’a même plus besoin de parler, elle qui, comme son père jadis, a coutume de citer un adage breton : «Quand il n’y a pas de vent, il est inutile de s’agiter sur le pont.» Un ami écrivain le répète souvent : «Dans le paysage médiatico-idéologique, en pleine saturation, c’est Marine Macron et Emmanuel Le Pen.» Combien de temps encore?

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