La prise de fonction, ce mardi, de Geoffroy Lejeune à
la direction de la rédaction du Journal du dimanche semble
tenir d’un théâtre de l’absurde. Il y a bien une direction mais pas de
rédaction. Les journalistes de l’hebdomadaire sont en grève depuis quarante
jours. On parle plaisamment d’armée mexicaine quand les chefs sont plus
nombreux que les troupes, mais, ici, il n’y a même pas de Mexicains. Il n’y a
que la volonté du milliardaire d’extrême droite et catholique conservateur –
c’est un euphémisme –, Vincent Bolloré, avec l’appui d’Arnaud Lagardère encore
officiellement propriétaire du titre mais qui semble devenu son prête-nom,
d’accroître son emprise médiatique dans le pays. Elle passe déjà par Canal
Plus, Europe 1, Paris-Match et CNews, la chaîne qui fut
pendant des mois la couveuse d’Éric Zemmour candidat, comme l’a été
l’hebdomadaire Valeurs actuelles, alors dirigé par Geoffroy
Lejeune.
Il faut donc toute la naïveté feinte d’Arnaud Lagardère
pour évoquer à ce propos un « fantasme d’extrême droite », lequel serait infondé et méprisant. Cela, quand la direction du journal a
refusé de s’engager dans la révision, demandée par les journalistes, de la
charte déontologique contre « toute publication de propos racistes, sexistes et
homophobes et plus généralement de tout contenu
discriminatif ou haineux ».
Mais si la question de l’avenir du JDD, de
sa ligne éditoriale, de sa pérennité, de l’emploi de ses journalistes
titulaires et pigistes est justement au cœur de l’actualité, c’est aussi toute
une forêt qui s’étend derrière l’arbre. Jamais l’emprise des milliardaires sur
la presse n’a été aussi forte, parfois avec la bénédiction du président de la
République lui-même, comme pour le rachat de la Provence par
Rodolphe Saadé, avec son amitié pour Bernard Arnault, propriétaire des Échos pour
les affaires sérieuses et du Parisien pour dispenser des bons
conseils de gestion de leur argent à ceux qui n’en ont pas en choyant les
thèmes de l’immigration, de l’insécurité, de l’ordre. Le pouvoir annonce pour
septembre des états généraux de la presse mais, comme dans Macbeth, la
forêt avance.
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