mardi 1 août 2023

« La forêt », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité.



La prise de fonction, ce mardi, de Geoffroy Lejeune à la direction de la rédaction du Journal du dimanche semble tenir d’un théâtre de l’absurde. Il y a bien une direction mais pas de rédaction. Les journalistes de l’hebdomadaire sont en grève depuis quarante jours. On parle plaisamment d’armée mexicaine quand les chefs sont plus nombreux que les troupes, mais, ici, il n’y a même pas de Mexicains. Il n’y a que la volonté du milliardaire d’extrême droite et catholique conservateur – c’est un euphémisme –, Vincent Bolloré, avec l’appui d’Arnaud Lagardère encore officiellement propriétaire du titre mais qui semble devenu son prête-nom, d’accroître son emprise médiatique dans le pays. Elle passe déjà par Canal Plus, Europe 1, Paris-Match et CNews, la chaîne qui fut pendant des mois la couveuse d’Éric Zemmour candidat, comme l’a été l’hebdomadaire Valeurs actuelles, alors dirigé par Geoffroy Lejeune.

Il faut donc toute la naïveté feinte d’Arnaud Lagardère pour évoquer à ce propos un «fantasme dextrême droite», lequel serait infondé et méprisant. Cela, quand la direction du journal a refusé de s’engager dans la révision, demandée par les journalistes, de la charte déontologique contre «toute publication de propos racistes, sexistes et homophobes et plus généralement de tout contenu discriminatif ou haineux».

Mais si la question de l’avenir du JDD, de sa ligne éditoriale, de sa pérennité, de l’emploi de ses journalistes titulaires et pigistes est justement au cœur de l’actualité, c’est aussi toute une forêt qui s’étend derrière l’arbre. Jamais l’emprise des milliardaires sur la presse n’a été aussi forte, parfois avec la bénédiction du président de la République lui-même, comme pour le rachat de la Provence par Rodolphe Saadé, avec son amitié pour Bernard Arnault, propriétaire des Échos pour les affaires sérieuses et du Parisien pour dispenser des bons conseils de gestion de leur argent à ceux qui n’en ont pas en choyant les thèmes de l’immigration, de l’insécurité, de l’ordre. Le pouvoir annonce pour septembre des états généraux de la presse mais, comme dans Macbeth, la forêt avance.

 

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