À l’aube des années 1990, décidé à faire de
Levallois-Perret une ville laboratoire en matière sécuritaire, son maire,
Patrick Balkany, inaugurait les premières caméras de vidéosurveillance dans
l’espace public. Avec la promesse de faire reculer la délinquance en pariant
sur leur effet dissuasif, sans «épier les faits et gestes des
Levalloisiens». Trois décennies plus tard, l’indignation suscitée par ce
dispositif orwellien s’est dissipée ; la vidéosurveillance s’est généralisée ; ses thuriféraires l’ont abusivement rebaptisée vidéoprotection ; les
attentats du 11-Septembre et le contexte qu’ils ont installé ont
contribué de façon décisive à l’acceptation sociale de tels dispositifs.
La preuve de leur efficacité n’a pourtant jamais été
établie : en 2020,
la Cour des comptes épinglait, dans un rapport sur les polices municipales, le
coût exorbitant de la vidéoprotection, sans qu’aucune «corrélation
globale» n’ait été relevée entre son existence et le niveau de
délinquance ou encore les taux d’élucidation. Ce constat n’a pas
freiné la course aux technologies de surveillance de masse, des systèmes
biométriques à la reconnaissance faciale, de l’identification par
radiofréquence et de l’audiosurveillance, à l’exploitation par l’État ou par
des acteurs privés des données contenues dans les objets connectés.
Après la «guerre contre le terrorisme» et la pandémie
de Covid, une nouvelle étape doit être franchie en 2024 à l’occasion des jeux
Olympiques de Paris, parfaite opportunité d’expérimentation pour les apôtres du
tout-sécuritaire. À la clé, la promesse de juteux profits – économiques ou
politiques. Deux votes au Parlement vont dans ce sens : l’adoption, le 7 juin, au Sénat, d’une
dangereuse disposition du projet de loi Justice autorisant le déclenchement à distance des micros et caméras des téléphones mobiles à l’insu des
personnes ciblées ; la validation, le 23 mars, par les députés, de l’article 7 de la loi sur les JO prévoyant la possibilité d’expérimenter l’analyse, au moyen d’algorithmes, d’images de
caméras de vidéosurveillance. Nouvelles manifestations de
l’abîme entre les professions de foi démocratiques et la restriction continue
du champ des libertés individuelles et collectives. Aux portes du pouvoir,
l’extrême droite s’en frotte les mains.
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