mercredi 1 décembre 2021

COROT : « Le Pont de NARNI »

 


C’est avant tout par ses œuvres de jeunesse QUE Corot s’est montré un annonciateur de l’impressionnisme. Les monuments qu’il a peints en Italie et sa Cathédrale de Chartres sont d’un peintre de la pierre dont la luminosité a chez lui une blondeur de miel. Sa vie est sans histoire. Son père était persuadé que Camille avait fait fausse route. « Vous croyez qu’il a du talent ? » demandait-il, sceptique, à ceux qu’il rencontrait. C’est que Corot ne vendait pas sa peinture. Il était plus que cinquantenaire quand il eut son premier amateur.

Dans « Le Pont de NARNI du Louvre, il a une luminosité et une apparence qui annoncent Cézanne. Corot était la bonté même. Avant de mourir, il dit au prêtre venu l’administrer : « Monsieur le curé, dans votre paradis, j’espère qu’on y fera encore de la peinture ! » jamais dans ses meilleurs moments Corot ne s’imagine regardé. Rien en lui ne demande à être admiré ou même reconnu. Quoiqu’il soit presque toujours devant le modèle, il ne se perd pas à le décrire. Son œuvre a des fraîcheurs de feuillage, en avril, des gestes d’une élégance enfantine, la tendresse douce d’une main posée sur un front ; elle naît de ce jour lumineux, de cet être vivant, de l’atmosphère que, par une prédisposition particulière, il sait aviver ou assombrir. Ce n’est plus le temps ni l’espace, mais les deux à la fois, réconciliés dans la suprême et blonde mélodie où vient baigner notre regard. Tout vibre alors d’une égale importance : l’eau, l’air, la terre et les feux du soleil.

Ainsi compris, comment nous étonner que Corot ait été le peintre de la pierre ? Quels éléments autres que l’enceinte du vieux Colisée, les moellons entassés à quelque distance de la cathédrale de Chartres, la terre jaunie des carrières et le sol même de la route pouvaient répondre mieux par leur compacte et lourde densité à ces grands pans flottants des transparences aériennes ? À tant de légèreté le peintre oppose la pesanteur anguleuse de la roche où lumières et ombres glissent, amenant alternativement avec elles un peu de l’orange intensité du jour, un peu du mauve enveloppement de la nuit.

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