samedi 28 juin 2025

« Censure(s) », le bloc-notes de Jean-Emmanuel Ducoin.



TEMPS Il y a longtemps, Chateaubriand avait classé en trois âges l’aristocratie de son époque. Il commençait par les « supériorités ». Après quoi, il passait par les « privilèges ». Avant d’en venir à l’âge terminal des « vanités ». Et Chateaubriand concluait ainsi : « Sortie du premier âge, elle dégénère dans le second et s’éteint dans le dernier. » S’il fallait résumer la tâche de François IV à Matignon ces temps-ci, trois mots viendraient à l’esprit du bloc-noteur, précisément les mêmes que Chateaubriand : supériorités, privilèges, vanités.

Alors que le Premier sinistre se trouve asphyxié par ses adversaires politiques à l’Assemblée nationale, autant sur le dossier des retraites que sur le futur budget, voire sur la stratégie énergétique de la France, François IV cherche de l’oxygène pour poursuivre son chemin, avec un seul but en tête : non pas gouverner et/ou réformer le pays, mais bien durer. Juste durer, avec un esprit de supériorité, de privilèges, et de vanité. Mois, semaines, jours, le temps rétrécit. Et la République s’enfonce dans toutes les crises.

Même le Monde l’écrit, sous la plume de Françoise Fressoz : « De quelque côté que l’on se tourne, la France estrenvoyée à une forme dimpuissance qui nest pas de nature à contrer lepessimisme fondamental tenant lieu depuis des années de ­ciment collectif à ses habitants. » Dur constat. Et elle ajoute : « Tous les efforts déployés ces dernières semaines sur la scène internationale par le président de la République pour tenter de démontrer que la voix de la France porte encore sont balayés par la succession de coups de force qui s’y produisent, sur fond de remise en cause du lien transatlantique. »

AMBIANCE Le naufrage programmé du conclave consacré aux retraites vient d’ailleurs de sceller un nouveau moment dans la gestion d’équilibriste de François IV, puisque les socialistes souhaitent désormais re-voter une motion de censure. Il y aura donc un avant, et un après. Jusque-là, tout a glissé, ou à peu près, sur le Premier sinistre. Les motions de censure, avec l’aide des socialistes certes, se perdaient dans des phrases à rallonge. Et les couacs entre ministres nourrissaient une espèce d’ode à la liberté de parole, une forme de gestion à l’« horizontale ». La péripétie sur les retraites vient à point nommé nous rappeler que l’habileté du Palois a ses limites.

Un ancien Premier ministre le disait récemment : « Ce n’est pas un Matignon hyperrangé, ni carré. » Déjà constaté au début du printemps, les ministres, même les plus en vue, sont dans une situation d’« autogestion totale », pour reprendre l’expression de l’un d’entre eux. Combien de temps durera cette situation, sachant que Mac Macron II pourra de nouveau dissoudre dans quelques semaines ? François IV, lui, ruse pour rallonger son bail.

Les six mois de Gabriel Attal sont dépassés, cap sur les sept de Pierre Mendès France, figure citée jusqu’à plus soif par le Premier sinistre. « L’ambiance à Matignon est exécrable », rapporte un témoin, plus habitué à moquer les dîners jusqu’à pas d’heure du patron, au premier étage de son palais, qu’à ses audaces matinales. Ce dernier laisse entendre qu’une démission n’est pas impossible, histoire d’acter de manière spectaculaire l’impossibilité de sa mission.

RÉPONSE La capacité du centriste à étirer le feuilleton du conclave est-elle infinie ? De « fin mai », annoncé en janvier, l’épilogue a en effet été repoussé au début du mois de juin, puis à mi-juin, puis au terme d’une négociation de la dernière chance lundi dernier, jusqu’à cette journée de mardi à Matignon, qui ne pourrait être qu’une simple étape… vers d’autres rendez-vous. « Il a une confiance en lui-même qui lui fait penser qu’il sera capable, avec son aura et la pression médiatique, d’obtenir un accord sur le plus petit dénominateur commun », analyse un conseiller ministériel cité par Libération, qui mise sur d’ultimes concessions arrachées au Medef et à la CPME, dès cet été ou à l’automne durant les discussions budgétaires.

L’été, l’automne… le temps se contracte, mais peut encore s’étirer, sait-on jamais. D’où la question : François IV est-il si roué, ou tout simplement à la rue ? Une bonne censure avec un gouvernement renversé, et tout le monde aura la réponse !

 

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