C’est l’un des
trous noirs des données sociales en France. Personne ne peut fournir avec
précision et exhaustivité le nombre de morts au travail pour une année donnée.
Le même flou se retrouve lorsque l’on cherche le nombre de morts au travail par
secteur d’activité et son évolution au cours du temps. Aucun travail de
compilation des données disponibles en fonction du sexe, de l’âge ou du secteur
géographique n’existe. Pourtant, même à partir des chiffres fragmentaires
disponibles, on constate, sans surprise, que dans certaines branches le travail
est plus dangereux, plus mortel que dans d’autres.
Mais mourir au
travail n’est pas une fatalité. Si l’accident est toujours possible, il y a des
raisons objectives qui peuvent expliquer son niveau de fréquence. Les
syndicats, CGT en tête, pointent par exemple que l’augmentation du nombre de
décès au travail est corrélée à la disparition des comités d’hygiène, de sécurité
et des conditions de travail du fait des ordonnances Macron de 2017. On peut
également évoquer le nombre ridiculement
bas d’inspecteurs du travail et
l’incroyable légèreté des peines infligées quand ils constatent que la sécurité
des salariés n’est pas respectée. Quant aux donneurs d’ordres, eux, ils ne sont
jamais inquiétés.
À l’inverse, au
Royaume-Uni, en cas d’accident du travail, l’enquête judiciaire va chercher à
déterminer les responsabilités de chacun des acteurs, y compris les donneurs
d’ordres. Conséquence : les taux d’accidents y sont environ deux fois plus
faibles qu’en France. Mais le plus extraordinaire est qu’en France près de
9 millions de travailleurs passent totalement sous les radars.
Autoentrepreneurs, travailleurs de plateforme et même fonctionnaires… d’eux on
ne sait rien ou presque. Si des statistiques existent, elles ne sont ni
disponibles, ni accessibles au public.
Pourtant on se
doute que les travailleurs ubérisés, qui livrent par tous les temps et qui
prennent tous les risques pour aller toujours un peu plus vite et gagner un peu
plus, sont, hélas, statistiquement davantage victimes d’accident. L’année
dernière, déjà, l’Humanité avait pointé l’urgence qu’il y avait à
correctement, scientifiquement, renseigner ce phénomène évitable. Une
revendication toujours à l’ordre du jour.
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