mercredi 5 février 2025

« Confusion et inversion », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité.



« Ensauvagée. » Voilà, selon un certain nombre de chaînes d’informations continues et de journaux quotidiens ou hebdomadaires, quel serait le trait saillant de la jeunesse. À l’appui de ce soi-disant « constat », éditorialistes et chroniqueurs de ces médias épaulés par nombre de personnalités politiques convoquent de terribles faits divers qui mêlent jeunes, agressions, rixes, couteaux. Pour aussi dramatiques que soient ces faits divers, ils ne sont cependant en rien révélateurs d’un « ensauvagement » généralisé de la jeunesse.

A contrario, les jeunes, plus encore peut-être que d’autres pans de la société, sont confrontés à un durcissement des conditions de vie quasi inédit. À elle seule, l’association Linkee a distribué l’année dernière 3 millions de repas à près de 70 000 étudiants. De plus en plus de jeunes sont contraints de louer des boxes de parking pour se loger ou dorment dans leur voiture.

Le qualificatif ensauvagé s’applique bien mieux à la politique qui a conduit à cette situation qu’à la jeunesse. D’autant que le budget concocté par Bayrou va encore aggraver cette situation avec 32 milliards d’économies programmées. Dans le viseur, les dépenses publiques et le « coût du travail » avec l’objectif de détruire un peu plus l’État social, les services publics et la Sécurité sociale. Donc d’ajouter de la difficulté à la difficulté.

Pourtant, au nom de la « responsabilité », les mêmes qui parlent de « jeunesse ensauvagée » dénoncent ceux qui votent la censure, les accusant d’entraîner la France dans le chaos. Et, là encore, c’est une incroyable inversion. Depuis que le Nouveau Front populaire est arrivé en tête des élections législatives, ses différentes composantes ont plaidé pour que le scrutin soit respecté et donc que la gauche ait, au moins, la possibilité de mettre en débat au Parlement et dans l’opinion publique certaines de ses propositions. Le président de la République en a décidé autrement – deux fois – au nom d’une hypothétique stabilité qui se révèle aujourd’hui pour ce qu’elle est en réalité : un coup de force.

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