Jamais, sans doute,
une telle artillerie – mêlant ministres, grande presse propriété des oligarques
et oligarques eux-mêmes –, en osmose avec la Commission européenne, ne se sera
tant mobilisée pour le vote du budget d’austérité de la nation.
Car, c’est de cela
qu’il s’agit : l’austérité pour celles et ceux qui n’ont que leur travail
ou leurs retraites, ou, pour beaucoup, de maigres prestations sociales, pour
vivre. Malheureusement, ce ne sont pas eux, pas elles, pas celles et ceux qui
n’ont rien sur leurs comptes en banque au milieu du mois, celles et ceux qui
triment dur au travail, placés sous la menace du chantage à l’emploi et aux
délocalisations, qui verront leur sort s’améliorer. Non. Ce budget va encore
aggraver leur situation de deux manières qui vont se cumuler.
Même la prétendue
concession sur les 4 000 postes d’enseignants est un immense bluff,
car le gouvernement Barnier avait renoncé à cette saignée. Dans le budget, cela
fait 50 millions d’euros en apparence restitués, mais le gouvernement
Bayrou réduit encore ce budget de 200 millions d’euros sur d’autres
chapitres, dont la formation des enseignants.
D’un côté, le pouvoir
prétend être revenu sur le déremboursement de plusieurs médicaments, mais, de
l’autre, en prélevant un milliard d’euros sur les mutuelles, il fait
augmenter les cotisations de celles-ci d’au moins 6 %. On fait semblant de
revenir sur le non-paiement des jours de carence des agents publics pour mieux
diminuer l’indemnisation de leurs arrêts maladies. Dans ce tour de passe-passe,
le Premier ministre fait croire qu’il restitue 200 millions d’euros alors
que le moindre remboursement lui fait engranger 800 millions d’euros. On
peut ainsi multiplier les exemples.
En y ajoutant la
violence du veto de M. Bayrou à la moindre augmentation du SMIC et
l’augmentation continue des impôts indirects indexés sur l’augmentation des
prix des produits de première nécessité, il est certain que la situation des
familles populaires va encore se dégrader.
La seconde raison du caractère négatif du budget tient aux effets pervers
qu’il va produire. En effet, l’Observatoire français
des conjonctures économiques (OFCE) a calculé que la reconduction à l’identique
du budget de l’année 2024 aurait permis une croissance d’environ un point,
tandis que le remède imposé par la loi de finances 2025 conduira à une
croissance négative. En d’autres termes, l’application de la loi spéciale
aurait été moins négative que le budget imposé au marteau du 49.3. En effet, en
refroidissant l’activité, en réduisant la création de richesses, les recettes
fiscales sont diminuées. Une telle politique budgétaire augmente donc la dette
financière tout en augmentant la dette écologique faute d’investissements dans
la bifurcation environnementale.
La réduction de la
création de richesses répondant aux besoins sociaux et écologiques est trop
sous-estimée comme cause de la mauvaise situation financière du pays et de
L’Europe.
Or, d’immenses
chantiers devraient être ouverts pour une réindustrialisation d’un type
nouveau, tenant compte des enjeux environnementaux et des besoins humains, des
nécessités d’une bifurcation agro écologique permettant l’installation de
centaines de milliers de jeunes paysans et l’amélioration de la santé. Une
autre manière de produire et de consommer, assortie d’un ambitieux programme
public européen de développement du numérique.
Seulement, quand le
budget coupe les moyens pour la recherche de plus d’un milliard d’euros,
le pouvoir sacrifie l’avenir. C’est bien cette création de richesses nouvelles
et l’assurance pour chacune et chacun d’avoir un travail – non aliénant –,
ainsi que la fin des cadeaux fiscaux et sociaux indus aux grandes entreprises
qui permettraient d’améliorer les budgets de l’État et de la Sécurité sociale.
Tout l’argumentaire de
la grande bourgeoisie, contre les dépenses publiques et le « coût du
travail » vise plus que jamais à détruire l’État social, les services
publics et la sécurité sociale. Autrement dit, des conquis typiquement
communistes (au sens originel du projet) qui entravent aujourd’hui la liberté
totale d’accumulation du capital. Faire croire aux salariés que la baisse de
leurs cotisations sociales améliorerait leur salaire vise avant tout à diminuer
la part de richesses consacrées au bien commun pour augmenter les profits et à
ouvrir du même coup la voie à une protection sociale financée par la
capitalisation avec des assurances privées qui se gaveraient encore plus.
Ajoutons que la bataille contre les impôts de production (ou sur le capital)
cache la volonté d’augmenter à terme la TVA.
La lutte des classes
que mène le grand capital nourrie d’une violente et permanente guerre
idéologique sur ces enjeux doit être partout révélée, décortiquée, combattue
avec constance.
Les organisations syndicales, les associations comme ATTAC, la Fondation
Copernic, Oxfam, les journaux progressistes, les partis de gauche et
écologistes, composant ensemble le Nouveau Front populaire (NFP), devraient lancer une contre-offensive, une grande campagne d’explication
et d’aide à l’action pour que les travailleuses et les travailleurs, les
citoyens dans la diversité de leurs sensibilités progressistes puissent
intervenir, agir pour obtenir de réelles améliorations.
Les conciliabules avec
les ministres qui n’ont d’autres soucis que de vendre leur vinaigre dans une bouteille
portant la fausse étiquette de miel n’aboutissent qu’à désarmer le mouvement
populaire qui a réclamé l’unité et qui attend des parlementaires du NFP
qu’elles et ils votent, ensemble, sur la base du programme sur lequel elles et
ils ont été élus. Le puissant mouvement de masse qui s’est levé pour barrer la
route de Matignon à l’extrême droite au mois de juillet répondrait à l’appel
s’il était aidé pour intervenir sur les débats qui ont lieu au Parlement.
Voilà ce qui manque ! Créer les conditions pour que les citoyennes et
citoyens puissent intervenir, et exercer pleinement leur souveraineté sur leur
vie et leur avenir. Une telle démarche pose forcément la
question de la nature de l’apport des partis et autres forces du NFP pour aider
à faire vivre un mouvement populaire conscient, déterminé pour la victoire.
Quand les chefs de
file du grand capital français se mobilisent à ce point, la gauche ne peut pas
proposer comme débat essentiel la question de savoir s’il faut attendre 2027
pour déposer un bulletin dans l’urne ou s’il faut voter le plus vite possible.
Procéder ainsi, c’est désarmer le mouvement en étalant des divisions et en
tombant dans le piège de la Ve République qu’on prétend
combattre, en faisant de l’élection présidentielle le moment cardinal. Or,
aucun progrès social et humain n’a été possible sans que les travailleuses et
travailleurs ne s’en mêlent dans l’action unitaire. C’est une leçon fondamentale
des acquis obtenus lors du Front populaire de 1936. A contrario, c’est
l’enseignement de ce qui a manqué le plus en 1981 et a permis à la composante
principale de la gauche d’enfiler les habits du libéralisme. C’est là que la
sève de l’extrême droite a monté sans discontinuer.
La question n’est donc pas l’élection présidentielle mais l’aide au
déploiement d’un mouvement populaire et politique si puissant qu’il devienne
irrésistible.
De même, aucun parti
ne devrait aborder les élections municipales avec le souci de
« prendre » comme il se dit, la gestion de villes et de villages là
où il y a déjà un maire de l’une des forces issues du nouveau Front populaire.
Le souci devrait être double : dans l’unité, gagner sur la droite et
l’extrême droite et, avec les citoyens, construire un municipalisme
progressiste bouclier contre le grand capital et fer de lance d’un nouveau
rapport de force pour les classes laborieuses et la jeunesse.
Si la majorité de celles et ceux qui aspirent à mieux vivre se sent
impuissante, non écoutée par les forces de gauche et écologique, le risque de
l’élargissement du chemin de l’Élysée pour l’extrême droite est plus important
que jamais. Il l’est d’autant plus que les forces
qui sont au pouvoir et le grand capital banalisent les nauséabondes et
insupportables idées de l’extrême droite et les reprennent à leur compte.
Une large partie des
puissances d’argent font mine de s’émouvoir des choix nationaux capitalistes et
autoritaires de Trump pour nous exhorter à franchir un nouveau cap dans des
politiques de dérégulation tous azimuts. Autrement dit, dans certains milieux,
pour l’instant, la critique de Trump sert aux glissements permettant de mettre
en œuvre sa politique au nom du combat contre le nouveau roi de l’imperium.
Nous aurions tort de
sous-estimer les effets délétères de cette campagne idéologique sur celles et
ceux qui souffrent déjà des coups de canif portés contre l’État social et
contre les régulations destinées à sauvegarder l’environnement et la nature.
Dans cette bataille, il
nous faut rendre coup pour coup et animer le combat de classe avec tous les
moyens d’information et de partage dont nous disposons. Dans leurs diversités,
les forces du nouveau Front populaire ont la capacité de mener cette bataille
politique, culturelle et idéologique. Face aux multiples dangers, face à la
volonté de noyer le mouvement populaire dans les larmes des désillusions et des
désespérances, il devient urgent de combler ensemble les manques :
l’unité, la bataille des idées, des élaborations communes nouvelles et l’aide à
l’action populaire. Ne voit-on pas les nuées de cet orage qui menace ?
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