Insinuer, salir, discréditer. La méthode est éprouvée par les régimes
autoritaires pour bâillonner les voix libres. Elle est désormais recyclée dans
nos vacillantes démocraties par l’extrême droite pour mettre en pièces des
journalistes, jeter leur nom à la vindicte, susciter des réflexes
d’autocensure.
Dans un article cousu de mensonges, d’allusions et de propos diffamatoires,
la polémiste du Figaro Eugénie Bastié porte sur le
Monde des accusations qui passeraient pour comiques si elles
n’obéissaient pas à ce dessein politique. Cette chroniqueuse passée par Causeur reproche
au quotidien vespéral de « prendre ouvertement le parti des
Palestiniens ».
Elle lui impute une « couverture partiale du
conflit » qui se traduirait, selon elle, par une « indulgence » pour « les
bourreaux du Hamas » et par une « haine affichée de
l’État hébreu » (sic). Son service international serait un repaire
d’antisémites faisant régner un climat d’« omerta » pour
faire prévaloir « une ligne propalestinienne des plus
radicales ».
Dans le viseur de cette habituée des plateaux de CNews, un journaliste,
Benjamin Barthe, ancien correspondant dans les territoires palestiniens
occupés. Sur ses travaux journalistiques récompensés par le prix Albert-Londres
au sérieux reconnu par ses pairs et par les spécialistes du Proche-Orient, pas
un mot. C’est que Bastié, disciple du théoricien néofasciste Alain de Benoist,
issue de la Manif pour tous, figure de la nébuleuse catholique traditionaliste,
s’emploie surtout à faire passer le journaliste du Monde pour
un « militant » sous influence.
Cette tentative de déconsidérer un professionnel soucieux de recouper, de
vérifier et d’établir des faits, loin des entreprises de propagande
inhérentes à toute guerre, n’a rien d’anodin. Elle s’inscrit dans une stratégie
qui devrait alarmer celles et ceux qui tiennent encore la liberté de la presse
pour une condition de la démocratie. Désinformer, calomnier, lyncher :
l’extrême droite s’attache au fond à semer la confusion pour donner toujours
plus de crédit à ses « vérités alternatives ».
Ses caricatures, ses attaques ad hominem trouvent une chambre de résonance
nouvelle dans l’écosystème médiatique qu’elle a patiemment charpenté. Les
réseaux sociaux font le reste. Ce matraquage est sans rapport avec le travail
de production de l’information. Les enquêtes journalistiques, elles, ne se
mènent ni sur X ni à la table de Pascal Praud. Et dans les diatribes de Bastié,
c’est le Figaro qui se perd.
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