À vrai dire, personne ne pensait à l’aube de 2024 qu’Emmanuel Macron était
un grand démocrate. Mais, un an plus tard, les événements ont dépassé tout ce
que nous pouvions imaginer. Le président a entamé l’année à la tête d’un pays
fracturé par une réforme des retraites imposé contre l’avis d’une immense
majorité de citoyens. La loi immigration introduisant une dose de préférence
nationale, comme on introduirait une dose de proportionnelle, avait en réalité
donné le ton de la suite. Le RN ne s’y était pas trompé en saluant « une
victoire idéologique ».
En janvier, la nomination de Gabriel Attal au poste de premier ministre
avait pour principal but avoué d’organiser la confrontation entre la Macronie
et l’extrême droite pour les élections européennes. L’exécutif passa donc les
cinq premiers mois de l’année à la mettre au centre du jeu. Le président ira
même jusqu’à proposer de débattre avec Marine le Pen, pas plus candidate que
lui à ce scrutin. Le 9 juin au soir, l’opération est un succès, le RN
arrive en tête avec 31 % des voix, son score historiquement le plus haut.
Est-ce si grave ? Pour ceux qui sont attachés à l’égalité républicaine,
sans doute. À ceux qui auraient à subir les discriminations d’une politique
menée par le RN, c’est sûr.
Mais, pour un président uniquement soucieux de préserver sa politique
libérale au service d’une minorité, ce n’est pas si grave. La preuve ? Il
prend dès le soir même le risque insensé de mettre le RN au pouvoir en
annonçant, sans consulter premier ministre et président du Sénat comme l’y
oblige la Constitution, la dissolution de l’Assemblée nationale.
Il aura fallu la responsabilité de la gauche sociale et politique et la
mobilisation citoyenne pour éviter le pire. Le Nouveau Front populaire s’est
uni et est arrivé en tête là où Macron pensait pouvoir faire disparaître une
gauche divisée. Le front républicain, mis sur pied contre l’avis du président,
empêche au second tour le RN d’obtenir la majorité qui lui était promise. En
tentant de se relégitimer à bon compte et en prenant le risque que l’extrême
droite prenne Matignon, le président a eu tout faux.
C’est en tout cas ce que lui ont dit les Français dans les urnes. La gauche
en tête, sa politique désavouée, le RN mis en échec étaient les trois
enseignements du scrutin. Le monarque n’en a cure. Dans un geste post-démocratique,
Emmanuel Macron a choisi de montrer à tout le monde que nos institutions
étaient faites pour que le pouvoir soit assuré au service des puissants.
Qu’importent les urnes, la gauche ne gouvernera pas et c’est au RN, bien moins
dangereux pour les intérêts qu’il défend, qu’il s’en remet pour faire tenir
l’attelage bringuebalant autour de Michel Barnier. Mais les institutions n’y
suffisent plus et le gouvernement a été censuré pour la première fois
depuis 1962. Le contrat tacite de la Ve République, atrophie de
la démocratie contre stabilité, est mort.
Il faut donc en changer. Une majorité de Français y est désormais favorable.
Tout comme ils sont favorables au rétablissement de l’ISF, à la taxation accrue
des dividendes et à l’indexation des salaires sur l‘inflation, aux prix
planchers pour les agriculteurs ou à l’abrogation de la réforme des retraites.
Un socle pour la gauche afin d’incarner la nécessaire alternative. Reste à
trouver un chemin politique. La gauche unie est une force capable d’être en
tête des trois blocs. Mais elle a une base sociale à reconquérir. Alors que les
ouvriers et les employés ont « survoté » à gauche pendant plus d’un
demi-siècle, ce n’est plus le cas. C’est là tout le chantier qui s’ouvre en
2025 et au-delà : comment faire que tous ceux qui ont intérêt au
changement social s’unissent pour le faire advenir ? Vaste question. Y
trouver la réponse devient incontournable.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire