Il n’est pas requis d’être un expert en sciences du
langage et plus précisément en sémantique pour entendre dans leur résonance les
mots de Jordan Bardella, cautionnés par Marine Le Pen : « Je
crois qu’à compter de ce jour, monsieur Barnier est un premier ministre sous
surveillance… » C’est du lourd. On peut, et c’est légitime, être
vigilant à l’égard d’un gouvernement, le mettre en garde en rapport avec les
décisions qu’il entend prendre. La gauche le fera, n’en doutons pas, avec le
gouvernement de Michel Barnier, et les manifestations des syndicats annoncées
pour octobre vont en témoigner. Mais la tonalité ici est différente.
« Nous serons amenés, dès les
prochaines semaines, à indiquer au premier ministre les lignes rouges et les
mesures que nous jugerons importantes et dont la prise en compte est
indispensable »,
a aussi indiqué Marine Le Pen. On avait bien compris que la nomination d’un
revenant sorti du placard de l’ancienne politique qu’Emmanuel Macron voulait
révolutionner – on voit comment – avait fait l’objet d’un deal avec la cheffe
du RN et son ombre ou son homme lige. C’était en attendant un retour sur
investissement.
Michel Barnier a déjà donné des gages de bonne volonté
dès ses premiers propos en indiquant ne pas avoir de ligne rouge, en
particulier avec le Rassemblement national et sur des questions comme
l’immigration. Il est vrai que, au su de ses positions antérieures, il n’a pas
beaucoup d’efforts à faire dans ce sens. On peut à ce point se demander si le
choix des ministres à venir ne sera pas discrètement soumis au RN.
Mais il y a encore autre chose dans le vocabulaire
utilisé. « À compter de ce jour, monsieur Barnier est un premier
ministre sous surveillance. » L’Histoire bégaie sur un ton
comminatoire et c’est une vision du monde. Surveiller et punir. C’était le
titre, dans les années soixante, d’un ouvrage de Michel Foucault : les
immigrés, les jeunes des banlieues, les féministes et les ennemis de la
famille, les syndicats si possible, les partis de gauche dont Marine Le Pen
évoquait, dimanche, « le programme délirant et la haine en
bandoulière »… À front renversé.
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