jeudi 16 mai 2024

« Provocations », l’éditorial de Cédric Clérin dans l’Humanité.



On sait que le président de la République aime jouer avec l’histoire et se mettre en scène en surplomb des siècles pour mieux tenter de s’y faire une place. Il traite pourtant la question de la décolonisation de la Kanaky – Nouvelle-Calédonie à rebours de l’histoire. Il y a derrière les discussions actuelles et les événements dramatiques qui agitent l’archipel plus d’un siècle d’oppression, des décennies d’affrontements, des années de recherche du chemin pour un destin commun. « Ce n’est pas un mouvement social à mater mais un peuple qui réclame sa pleine souveraineté », a rappelé Jean-Victor Castor, député GDR ultramarin, à la tribune de l’Assemblée à l’intention de Gérald Darmanin.

C’est pourtant par une série de provocations que le chef de l’État et son gouvernement ont choisi de tenter de régler l’affaire. Provocation en 2020, en refusant de décaler un référendum en pleine crise du Covid et sans que les conditions politiques soient acceptées par tous.

Provocation en nommant Sonia Backès, anti-indépendantiste affirmée, au gouvernement, en charge de la Citoyenneté. Provocation en déléguant les discussions au ministère de l’Intérieur en lieu et place de Matignon comme il est d’usage depuis que les voies du dialogue ont été renouées après le drame d’Ouvéa. Provocation en imposant unilatéralement un projet de loi constitutionnel sur le sujet le plus sensible depuis quarante ans. Et ultime provocation, un vote à marche forcée à l’Assemblée nationale qui a achevé de mettre le feu aux poudres.

Comment l’Élysée pouvait-il imaginer que de telles méthodes déclencheraient autre chose que l’embrasement ? Avec déjà plusieurs morts à déplorer, le scénario du pire est à l’œuvre. Si la seule réponse était d’envoyer l’armée, avec là encore une résonance historique déplorable, la crise ne ferait que s’approfondir.

Malgré les immenses dégâts humains, matériels, symboliques et politiques de la méthode choisie par le gouvernement, il est encore temps de renouer les fils de l’histoire. Retirer le texte de loi et ouvrir des discussions avec toutes les parties, incluant des réponses sociales et un accord sur le processus politique, est la seule issue pour l’émancipation des Kanak et pour que la France puisse s’honorer d’un processus de décolonisation réussi.

 

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