On sait que le président de la République aime jouer avec l’histoire et se
mettre en scène en surplomb des siècles pour mieux tenter de s’y faire une
place. Il traite pourtant la question de la décolonisation de la Kanaky –
Nouvelle-Calédonie à rebours de l’histoire. Il y a derrière les discussions
actuelles et les événements dramatiques qui agitent l’archipel plus d’un siècle
d’oppression, des décennies d’affrontements, des années de recherche du chemin
pour un destin commun. « Ce n’est pas un mouvement social à mater
mais un peuple qui réclame sa pleine souveraineté », a rappelé
Jean-Victor Castor, député GDR ultramarin, à la tribune de l’Assemblée à
l’intention de Gérald Darmanin.
C’est pourtant par une série de provocations que le chef de l’État et son gouvernement
ont choisi de tenter de régler l’affaire. Provocation en 2020, en refusant de
décaler un référendum en pleine crise du Covid et sans que les conditions
politiques soient acceptées par tous.
Provocation en nommant Sonia Backès, anti-indépendantiste affirmée, au
gouvernement, en charge de la Citoyenneté. Provocation en déléguant les
discussions au ministère de l’Intérieur en lieu et place de Matignon comme il
est d’usage depuis que les voies du dialogue ont été renouées après le drame
d’Ouvéa. Provocation en imposant unilatéralement un projet de loi
constitutionnel sur le sujet le plus sensible depuis quarante ans. Et ultime
provocation, un vote à marche forcée à l’Assemblée nationale qui a achevé de
mettre le feu aux poudres.
Comment l’Élysée pouvait-il imaginer que de telles méthodes déclencheraient
autre chose que l’embrasement ? Avec déjà plusieurs morts à déplorer, le
scénario du pire est à l’œuvre. Si la seule réponse était d’envoyer l’armée,
avec là encore une résonance historique déplorable, la crise ne ferait que
s’approfondir.
Malgré les immenses dégâts humains, matériels, symboliques et politiques de
la méthode choisie par le gouvernement, il est encore temps de renouer les fils
de l’histoire. Retirer le texte de loi et ouvrir des discussions avec toutes
les parties, incluant des réponses sociales et un accord sur le processus
politique, est la seule issue pour l’émancipation des Kanak et pour que la
France puisse s’honorer d’un processus de décolonisation réussi.
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