vendredi 15 décembre 2023

« Circulez, Jolie Môme… », l’éditorial de Marie-José Sirach dans l’Humanité.



C’est l’histoire d’une compagnie qui porte le nom d’une chanson de Léo Ferré, Jolie Môme. C’est l’histoire d’un lieu qui, en dix-neuf ans, s’est métamorphosé en un théâtre dont le nom, la Belle Étoile, est un clin d’œil au poème de Prévert. « Boulevard de la Chapelle où passe le métro aérien/il y a des filles très belles et beaucoup de vauriens… »

Voilà dix-neuf ans que la compagnie Jolie Môme a transformé un bâtiment à l’abandon en un théâtre ouvert sur la ville et ceux qui l’habitent. La Belle Étoile a passé le périph et a pignon sur rue au 14 de la rue Saint-Just, métro « Front- Populaire », Saint-Denis.

En dix-neuf ans, elle en a vu passer, la Belle Étoile, des artistes et des clochards célestes, des poètes et des troubadours, ouvrant grandes ses portes à des compagnies connues ou inconnues ; créant ses propres spectacles dans la lignée du théâtre d’agit-prop ; intervenant auprès des enfants dans les écoles du quartier avec la complicité de la compagnie TMT ! – Tamèrantong. La Belle Étoile est aussi connue pour accueillir des rencontres, des débats, des soirées de soutien, des concerts, bref, tout un tas d’initiatives qui semblent poser problème à l’équipe municipale actuelle.

Le nouveau maire a décidé de mettre un terme au contrat qui liait la Ville à la Belle Étoile. Deux raisons invoquées : installer en lieu et place l’équipe des Déchargeurs, qui a dû elle-même quitter son théâtre au cœur de Paris en raison d’une opération immobilière. Une mise en concurrence de deux équipes artistiques des plus perverses. La seconde pointe une soirée de soutien au peuple palestinien organisée à la Belle Étoile, le maire de Saint-Denis jugeant la nature de cette initiative « hors des clous ».

Depuis quand les artistes doivent-ils marcher dans les clous ? Depuis quand la démocratie doit-elle s’arrêter aux portes du théâtre ? Oubliée l’histoire de ce lieu, de sa transformation en un théâtre ouvert et hospitalier ; oublié l’engagement des artistes à bâtir un espace de liberté.

Ici, la municipalité préfère construire un commissariat plutôt qu’un conservatoire ; là, elle supprime sa subvention au festival de musique, préférant faire appel au mécénat. Le maire prétendait donner « un nouveau souffle à Saint-Denis ». Vous avez dit politique de la ville ? C’est à l’œuvre qu’on voit l’artisan. Allez, circulez, Jolie Môme…

 

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