mercredi 22 novembre 2023

« Défaire Napoléon », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité.



La sortie au cinéma de Napoléon fait couler beaucoup d’encre. L’Humanité magazine consacre d’ailleurs sa prochaine une au « mythe Napoléon ». Pour en finir. Car oui, il faut s’attaquer à l’image de Napoléon en France. Si la légende commence à être construite par Napoléon lui-même puis par les anti - Restauration et Louis-Napoléon Bonaparte, la figure « positive » de l’empereur s’est inscrite dans l’inconscient collectif français sous l’impulsion de la IIIe République.

Pour cristalliser l’amour de la patrie, le nouveau pouvoir républicain construit un « roman national » dans lequel il exalte de grandes figures symboles de l’esprit français. L’école obligatoire à travers les fameux manuels d’Ernest Lavisse se charge de transmettre à tous les petits Français, soldats du lendemain, ce récit d’une glorieuse France éternelle. La mythologie napoléonienne est particulièrement utile quand il s’agit d’aborder la rivalité coloniale avec la Grande-Bretagne ou de faire face à l’ennemi allemand.

Et cent cinquante ans plus tard, à la boutique des Invalides, déjà toute dédiée à la « gloire de l’Empereur », on trouve le Lavisse « complété par Dimitri Casali », essayiste réactionnaire habitué des plateaux de Bolloré. Plus largement, cette façon de faire l’Histoire, bien que contestée par des générations d’historiens, a plateau ouvert et reste prégnante dans notre société.

Et pour cause, c’est sur la figure du « sauveur », sur l’attente de « l’homme providentiel », que se structure la vie politique de la société française. Seules la IIIe République et l’éphémère IVe ont évité le « bonapartisme », et parfois de justesse, comme le prouve l’aventure du général Boulanger.

Depuis 1852, la France a vécu plus longtemps sous des régimes avatars du bonapartisme que sous des régimes parlementaires : du second Empire au gaullisme, mais également le pétainisme. Lors de son élection en 2017, Macron fait le choix d’une célébration au Louvre, demeure des rois, devant la pyramide, référence subliminale à la campagne d’Égypte du futur empereur Napoléon, avec comme objectif de l’inscrire dans la continuité des sacres.

Attaquer le mythe Napoléon, c’est attaquer le socle du pouvoir personnel et contre-révolutionnaire sur lequel repose la Ve République.

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