Manet,
Monet : de cette homonymie presque parfaite Monet sut malicieusement tirer
parti, tandis que Manet s’en irritait : « Qu’est-ce donc que ce Monet
qui fait comme s’il s’appelait Manet et tire profit de mon nom connu ?» Monet
avait pu voir des œuvres de Manet lors d’une
exposition organisée boulevard des Italiens en 1863, parmi lesquelles « la
musique aux tuileries », « le ballet espagnol », « Lola de
Valence » aux côté de tableaux de Courbet, Corot, Delacroix et Stevens. La
technique qu’il emploiera pour son « déjeuner sur l’herbe » révèle
une proximité entre son « faire » et celui de Manet, dans la
présentation des personnages féminins en particulier.
Au
salon de 1865, l’un et l’autre proposent deux de leurs œuvres : « l’embouchure
de la Seine à Honfleur et « la pointe de la Hève à marée basse pour
Monet, « Jésus insulté par les soldats » et « Olympia pour
Manet. Si les critiques montrent de l’intérêt à Monet, dont les toiles sont
remarquées, il n’en va pas de même pour Manet, par qui le scandale, une fois de
plus arrive. Tout comme son « déjeuner sur l’herbe » de 1863, son « Olympia »
soulève un tollé quasi général : c’est que cette jeune femme nue, qui
reçoit allongée le bouquet que lui tend une domestique noire, est scandaleuse à
plus d’un titre. Il s’agit manifestement d’une prostituée. La couleur étrange
de sa peau choque, ce qui lui vaudra, entre autres épithètes, celles de « gorille
femelle » ou « d’odalisque au ventre jaune. » « Je voudrais
bien voue avoir ici mon cher Baudelaire, les injures pleuvent sur moi comme
grêle », écrit Manet, désespéré à son ami.
À
cette époque encore, le nu, pour être accepté, doit être présenté sous couvert
de mythologie : ainsi « la naissance de Vénus » de Cabanel,
peintre académique, présenté au salon de 1863, a été acheté par Napoléon III. Tandis
que Manet se fait huer de toutes parts, Monet se voit couvrir d’éloges. Le critique
d’art Paul MANTZ, à propos note, à propos du salon de 1865 : « …mais
le goût des colorations harmonieuses dans le jeu des tons analogues, le
sentiment des valeurs, l’aspect saisissant de l’ensemble, une manière hardie de
voir les choses et de s’imposer à l’attention du spectateur, ce sont là des
qualités que M. Monet possède déjà à un haut degré. Son « embouchure de la
Seine » a brusquement arrêtés au passage, et nous ne l’oublierons plus.
De
tels propos encouragent le jeune peintre à se lancer dans les travaux les plus
risqués, et lui donnent l’audace de rivaliser avec d’autres artistes, Manet en
particulier, et surtout avec « le déjeuner sur l’herbe » de celui-ci.
Dorénavant, il intégrera personnages et figures à ses tableaux. Il commence les
travaux préparatoires de ce qui deviendra son « déjeuner sur l’herbe ».
Mais la rivalité avec Manet se fait également sentir, peut-être plus nettement
encore, dans « Femmes au jardin ». Ayant commencé cette toile en
plein-air, à Ville-d’Avray où il vivait alors, il la termine en atelier à
Honfleur. Elle sera refusée au salon de 1867, mais son ami Bazille la lui
achète pour la somme de deux mille cinq cents francs, payables par mensualités.
En
avril 1865, Monet se trouve à CHAILLY, dans la forêt de Fontainebleau. Il loge
à l’auberge du Lion d’Or. Bazille le représente allongé après une chute,
attendant des soins. Ce sera « l’Ambulance improvisée ». Homme à la
personnalité chaleureuse Bazille aimait à prendre ses amis pour modèles. Renoir,
Sisley, Astruc, Manet, Edmond Maître poseront tous pour lui.
PROFILS DE L'ART (1992)
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