mercredi 27 octobre 2021

DE MANET À MONET !



Manet, Monet : de cette homonymie presque parfaite Monet sut malicieusement tirer parti, tandis que Manet s’en irritait : « Qu’est-ce donc que ce Monet qui fait comme s’il s’appelait Manet et tire profit de mon nom connu ?» Monet avait pu voir des œuvres  de Manet lors d’une exposition organisée boulevard des Italiens en 1863, parmi lesquelles « la musique aux tuileries », « le ballet espagnol », « Lola de Valence » aux côté de tableaux de Courbet, Corot, Delacroix et Stevens. La technique qu’il emploiera pour son « déjeuner sur l’herbe » révèle une proximité entre son « faire » et celui de Manet, dans la présentation des personnages féminins en particulier.

Au salon de 1865, l’un et l’autre proposent deux de leurs œuvres : « l’embouchure de la Seine à Honfleur et « la pointe de la Hève à marée basse pour Monet, « Jésus insulté par les soldats » et « Olympia pour Manet. Si les critiques montrent de l’intérêt à Monet, dont les toiles sont remarquées, il n’en va pas de même pour Manet, par qui le scandale, une fois de plus arrive. Tout comme son « déjeuner sur l’herbe » de 1863, son « Olympia » soulève un tollé quasi général : c’est que cette jeune femme nue, qui reçoit allongée le bouquet que lui tend une domestique noire, est scandaleuse à plus d’un titre. Il s’agit manifestement d’une prostituée. La couleur étrange de sa peau choque, ce qui lui vaudra, entre autres épithètes, celles de « gorille femelle » ou « d’odalisque au ventre jaune. » « Je voudrais bien voue avoir ici mon cher Baudelaire, les injures pleuvent sur moi comme grêle », écrit Manet, désespéré à son ami.

À cette époque encore, le nu, pour être accepté, doit être présenté sous couvert de mythologie : ainsi « la naissance de Vénus » de Cabanel, peintre académique, présenté au salon de 1863, a été acheté par Napoléon III. Tandis que Manet se fait huer de toutes parts, Monet se voit couvrir d’éloges. Le critique d’art Paul MANTZ, à propos note, à propos du salon de 1865 : « …mais le goût des colorations harmonieuses dans le jeu des tons analogues, le sentiment des valeurs, l’aspect saisissant de l’ensemble, une manière hardie de voir les choses et de s’imposer à l’attention du spectateur, ce sont là des qualités que M. Monet possède déjà à un haut degré. Son « embouchure de la Seine » a brusquement arrêtés au passage, et nous ne l’oublierons plus.

De tels propos encouragent le jeune peintre à se lancer dans les travaux les plus risqués, et lui donnent l’audace de rivaliser avec d’autres artistes, Manet en particulier, et surtout avec « le déjeuner sur l’herbe » de celui-ci. Dorénavant, il intégrera personnages et figures à ses tableaux. Il commence les travaux préparatoires de ce qui deviendra son « déjeuner sur l’herbe ». Mais la rivalité avec Manet se fait également sentir, peut-être plus nettement encore, dans « Femmes au jardin ». Ayant commencé cette toile en plein-air, à Ville-d’Avray où il vivait alors, il la termine en atelier à Honfleur. Elle sera refusée au salon de 1867, mais son ami Bazille la lui achète pour la somme de deux mille cinq cents francs, payables par mensualités.

En avril 1865, Monet se trouve à CHAILLY, dans la forêt de Fontainebleau. Il loge à l’auberge du Lion d’Or. Bazille le représente allongé après une chute, attendant des soins. Ce sera « l’Ambulance improvisée ». Homme à la personnalité chaleureuse Bazille aimait à prendre ses amis pour modèles. Renoir, Sisley, Astruc, Manet, Edmond Maître poseront tous pour lui.

PROFILS DE L'ART (1992)

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