Grâce à la bienveillance des députés de l’extrême
droite, François Bayrou a pu, une nouvelle fois, sauver sa place à
Matignon et peut continuer d’imposer, sans débat parlementaire, une réforme des
retraites rejetée par une majorité de Français. La pantalonnade du
« conclave » aura au moins servi à ça : clarifier la ligne
politique – réelle – du RN et faire craquer le vernis « social » dont
il a essayé de se parer ces dernières années.
Ce sauvetage du
premier ministre macroniste en dit long sur le virage à 180 degrés opéré depuis
un an par le RN. Oubliées les grandes tirades sur la défense de la France
« d’en bas », la retraite à 62 ans et la souveraineté des
peuples. L’objectif, désormais, est la conquête des derniers bastions
conservateurs de droite et la « normalisation » néolibérale.
À l’Assemblée,
cela s’est traduit ces derniers mois par un rapprochement constant avec LR.
Grâce au RN, « Les Républicains » ont pu passer leur amendement
instaurant un moratoire sur les éoliennes et le photovoltaïque. La suppression des fameuses « zones
à faible émission » n’a pu se faire qu’avec cette même addition
des voix RN et LR. Idem pour les mesures affaiblissant le « zéro
artificialisation nette ».
Une alliance
entre le nationalisme xénophobe et le capitalisme opportuniste.
Au-delà des
questions environnementales, les deux formations se tiennent aussi la main sur
les questions de « compétitivité » des entreprises et de réduction
drastique des dépenses publiques. Une stratégie d’union des droites avec
laquelle le parti lepéniste espère attirer les électeurs CSP + et les
retraités aisés, qui lui ont fait défaut lors des dernières présidentielles.
L’autre
opération séduction vise les milieux économiques. Le refus de torpiller pour le
moment la réforme des retraites, si chère au Medef, est propre à rassurer le
patronat et la finance. Tout comme l’alliance avec l’ultralibéral Éric Ciotti.
Mais ce n’est pas tout. Le RN a été plus loin, mi-juin, en faisant allégeance
sur un autre point, plus symbolique encore. Jean-Philippe Tanguy, membre du
bureau national du parti, a annoncé qu’une « réflexion interne »
était en cours sur la « règle d’or » budgétaire avec
l’ambition de « respecter les 3 % » de PIB, limite fixée
par l’UE pour le déficit. Une conversion spectaculaire aux dogmes néolibéraux
et austéritaires pour la formation lepéniste, qui vilipendait
traditionnellement les « diktats de Bruxelles »…
Après des
années à duper les électeurs avec un programme pseudo-social, le RN-girouette
revient aux fondamentaux de l’extrême droite : une alliance entre le
nationalisme xénophobe et le capitalisme opportuniste. Cette ligne politique,
feu Jean-Marie Le Pen, qui aimait se comparer à Ronald Reagan, l’a tenue
durant des années. Avant que sa fille ne comprenne tout le gain électoral
qu’elle pouvait tirer de la désespérance des milieux populaires.
Reste à savoir
si ce grand écart et cette « normalisation » vont être du goût de
tous les électeurs frontistes. Aujourd’hui, 63 % d’entre eux s’opposent à
la réforme des retraites. Pas sûr qu’ils goûtent l’enterrement de la promesse
d’un retour à 62 ans, toujours inscrite dans le programme RN mais, dans
les faits, renvoyée aux calendes grecques… « On ne sort de l’ambiguïté
qu’à son détriment », disait le cardinal de Retz. Cette trahison du RN
devrait au moins aider les classes populaires à ouvrir les yeux. Elles n’ont
rien à espérer d’une extrême droite qui manipule les colères et les peurs,
avant de toujours faire alliance avec les forces du capital à l’approche du
pouvoir.
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