samedi 5 juillet 2025

« RN, le retour aux fondamentaux », l’éditorial de Laurent Mouloud.



Grâce à la bienveillance des députés de l’extrême droite, François Bayrou a pu, une nouvelle fois, sauver sa place à Matignon et peut continuer d’imposer, sans débat parlementaire, une réforme des retraites rejetée par une majorité de Français. La pantalonnade du « conclave » aura au moins servi à ça : clarifier la ligne politique – réelle – du RN et faire craquer le vernis « social » dont il a essayé de se parer ces dernières années.

Ce sauvetage du premier ministre macroniste en dit long sur le virage à 180 degrés opéré depuis un an par le RN. Oubliées les grandes tirades sur la défense de la France « d’en bas », la retraite à 62 ans et la souveraineté des peuples. L’objectif, désormais, est la conquête des derniers bastions conservateurs de droite et la « normalisation » néolibérale.

À l’Assemblée, cela s’est traduit ces derniers mois par un rapprochement constant avec LR. Grâce au RN, « Les Républicains » ont pu passer leur amendement instaurant un moratoire sur les éoliennes et le photovoltaïque. La suppression des fameuses « zones à faible émission » n’a pu se faire qu’avec cette même addition des voix RN et LR. Idem pour les mesures affaiblissant le « zéro artificialisation nette ».

Une alliance entre le nationalisme xénophobe et le capitalisme opportuniste.

Au-delà des questions environnementales, les deux formations se tiennent aussi la main sur les questions de « compétitivité » des entreprises et de réduction drastique des dépenses publiques. Une stratégie d’union des droites avec laquelle le parti lepéniste espère attirer les électeurs CSP + et les retraités aisés, qui lui ont fait défaut lors des dernières présidentielles.

L’autre opération séduction vise les milieux économiques. Le refus de torpiller pour le moment la réforme des retraites, si chère au Medef, est propre à rassurer le patronat et la finance. Tout comme l’alliance avec l’ultralibéral Éric Ciotti. Mais ce n’est pas tout. Le RN a été plus loin, mi-juin, en faisant allégeance sur un autre point, plus symbolique encore. Jean-Philippe Tanguy, membre du bureau national du parti, a annoncé qu’une « réflexion interne » était en cours sur la « règle d’or » budgétaire avec l’ambition de « respecter les 3 % » de PIB, limite fixée par l’UE pour le déficit. Une conversion spectaculaire aux dogmes néolibéraux et austéritaires pour la formation lepéniste, qui vilipendait traditionnellement les « diktats de Bruxelles »…

Après des années à duper les électeurs avec un programme pseudo-social, le RN-girouette revient aux fondamentaux de l’extrême droite : une alliance entre le nationalisme xénophobe et le capitalisme opportuniste. Cette ligne politique, feu Jean-Marie Le Pen, qui aimait se comparer à Ronald Reagan, l’a tenue durant des années. Avant que sa fille ne comprenne tout le gain électoral qu’elle pouvait tirer de la désespérance des milieux populaires.

Reste à savoir si ce grand écart et cette « normalisation » vont être du goût de tous les électeurs frontistes. Aujourd’hui, 63 % d’entre eux s’opposent à la réforme des retraites. Pas sûr qu’ils goûtent l’enterrement de la promesse d’un retour à 62 ans, toujours inscrite dans le programme RN mais, dans les faits, renvoyée aux calendes grecques… « On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment », disait le cardinal de Retz. Cette trahison du RN devrait au moins aider les classes populaires à ouvrir les yeux. Elles n’ont rien à espérer d’une extrême droite qui manipule les colères et les peurs, avant de toujours faire alliance avec les forces du capital à l’approche du pouvoir.

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