Le premier
ministre a montré avec morgue comment on peut parler longuement, lors d’un
soi-disant « moment de vérité », pour manigancer une grotesque
supercherie. Celle-ci appelle une forte réplique populaire.
Retenons
d’abord la grossièreté de l’insulte faite aux Françaises et aux Français. Au
nom de « sa » vérité, M. Bayrou a exposé
un programme à des citoyens
qu’ils considèrent comme inconscients tant ils seraient dopés par leur
dépendance à l’argent public et à la redistribution sociale. Pourtant, nous
étions seulement deux jours après la remise du rapport de la commission
d’enquête sénatoriale initié par Fabien Gay, montrant, chiffres – astronomiques – à l’appui, que c’est – au contraire
– le grand capital qui suce le sang de toutes les veines des dépenses
publiques.
Mieux encore,
les salariés français compris au sens large rechigneraient à travailler. Ils
auraient trop de congés et ne produisent pas assez. Par-dessus le marché, ils
consomment trop de médicaments, se rendent trop chez le médecin, utilisent trop
de scanners et de lits d’hôpitaux. Tout ceci entraînant dans une course
effrénée, selon M. Bayrou et ses affidés, à l’augmentation de la dette de « 5 000 euros
par seconde ».
Soyons francs.
Ces déclarations sont plus proches de celles d’un saligaud que celles d’un
homme d’État. Ce discours est d’autant plus abject que cet homme a préconisé,
soutenu et voté depuis des décennies, les politiques qui ont conduit à la
situation que nous connaissons aujourd’hui.
Lui et toutes
les variétés de la droite et du social-libéralisme n’ont cessé d’expliquer que
les diminutions des impôts de production, les entailles dans le Code du
travail, les déremboursements de médicaments, les reculs successifs de l’âge de
départ à la retraite allaient rendre les entreprises françaises plus
compétitives. Lesquelles allaient investir dans les nouvelles technologies pour
permettre des gains de productivité. Et, oh miracle, à la fin, les caisses de
l’État allaient se remplir. Le bilan est évidemment le contraire de ces contes
capitalistes. La raison en est simple : cette politique n’a jamais été
destinée ni à améliorer le sort général des citoyennes et des citoyens, ni la
santé du pays et de l’État. Les caisses publiques ont été vidées pour soutenir
le capitalisme français, et les marchés financiers avec les intérêts de la dette,
la montée en charge des dépenses d’armement depuis plusieurs années.
Bayrou propose
d’amplifier cette politique de classe qui dirige de plus en plus de richesses
issues du travail vers le capital. Il amplifiera donc le désastre. Voilà ce qui
se cache derrière ce bestial bêlement : « En-avant la
production » consistant à supprimer des jours fériés, à réduire encore
les droits de l’assurance-chômage, le niveau des retraites et des prestations
sociales alors que les prix des produits de première nécessité augmentent.
Loin d’être
sous l’emprise de « l’absurdie », le pouvoir branlant amplifie une
politique qui enrichit les plus fortunés et appauvrit les plus pauvres. Le
magazine Challenges vient de montrer que l’avoir total des 500 plus grandes
fortunes françaises, qui était de 454 milliards d’euros en 2016, est passé
à 1 228 milliards d’euros en 2024, soit un gain de 774 milliards
en une huitaine d’années. Cela ne représente pas moins de 170 %
d’augmentation, soit 100 milliards de plus chaque année. Deux fois le
budget de l’éducation nationale. Ces chiffres démontrent le niveau de la
spoliation des richesses du pays. Ils permettent de mesurer l’ampleur du
« séparatisme de classe », le niveau de l’atteinte aux valeurs de la
République.
Ils doivent
être connus, diffusés, expliqués afin de provoquer un véritable sursaut
populaire. Les droites, l’extrême droite et les macronistes, refusent de
prendre en compte l’idée d’une taxe dite « Zucman » du nom de son
auteur consistant à taxer à 2 % ce que l’on peut baptiser « d’ultra-riches »,
dès lors que leur patrimoine dépasse 100 millions d’euros. Ils sont
1 800 en France. Ils possèdent à eux seuls 1 000 milliards
d’euros. S’ils étaient taxés à 4 %, cela permettrait une rentrée de 40 milliards
d’euros dans les caisses de l’État. Exactement la facture que présente le
sinistre Bayrou aux travailleurs alors que le nombre de citoyens tombés dans la
pauvreté vient d’augmenter de 650 000.
D’autres
ressources financières peuvent être trouvées avec un impôt de solidarité sur la
fortune qui pourrait rapporter jusqu’à 15 milliards, la suppression de la
fameuse flat tax qui représente 9 milliards, une taxation unitaire contre
l’évasion fiscale organisée par les multinationales pour 18 milliards.
Évidemment, le
pouvoir et les extrêmes droites s’opposent à de telles orientations de justice.
Seule une grande mobilisation populaire unitaire, déterminée, pourra les y
contraindre. Leur malsain refrain sur le « travailler plus » est une
insulte à tous les précaires, les privés de travail et ceux qui en ce moment
même font face dans l’angoisse à des plans de licenciements dont les
mandataires du capital ne disent mot. C’est bien la mondialisation capitaliste,
la financiarisation de l’économie, la concurrence « libre et –
prétendument – non faussée », « le marché ouvert » et ses
traités de libre-échange, que M. Bayrou a soutenu, qui détruisent l’industrie
et l’agriculture, malmènent le travail vivant, fracturent nos territoires,
déchiquettent des vies, bouchent l’avenir.
Non-content
d’avoir manipulé les gens avec son conclave sur les retraites, voici que les
deux jours fériés que le gouvernement veut supprimer représentent un nouvel
allongement de la durée du travail d’un trimestre supplémentaire sur une
carrière complète. En définitive, ils visent la suppression de la cinquième
semaine de congé payé.
Au-delà, il
convient d’interroger plus fortement la notion rabâchée de « produire
plus ». Produire plus de quoi exactement ? Des armes ? Des
pesticides ou des médicaments ? Une alimentation de qualité, des soins,
des enseignements et des formations ?
Une divergence
fondamentale doit être mise à nu, puisque les droites au service du capital ne
considèrent pas la production de soins et de formations comme d’indispensables
investissements, mais comme des « coûts » inacceptables. Le travail
lui-même est considéré par eux comme un coût, alors qu’aujourd’hui, c’est la
rémunération du capital et la fonction de l’État mis au service de ce capital
qui constitue le véritable coût. Loin du discours macroniste sur la dépendance
de nos concitoyens à la dépense publique – soit dans ce qui devrait être appelé
des investissements sociaux, humains et écologiques -, il convient de rappeler
que ceux-ci sont passés de 57,7 % des richesses produites en 2017 à 57,2 %
en 2024. Ce mensonge doit être mis au grand jour. Le problème fondamental reste
donc bien l’insuffisance des recettes liée aux diminutions des contributions du
capital.
Doit-on
continuer à laisser le capitalisme et ses fondés de pouvoir dicter la nature et
le sens de la production ? Non !
Le pompage
permanent des fruits du travail, l’économie basée sur l’exploitation d’énergie
carbonée et la surexploitation des métaux rares, la militarisation mènent à la
ruine et au risque d’extinction de la civilisation. Seul un mouvement unitaire
des travailleuses et des travailleurs pour diriger la production et en étant
maîtres de leur travail peut nous sortir de cette pente mortifère. Seule une
démocratie poussée jusqu’au bout permettra de décider de la qualité du travail,
du chemin de la bifurcation écologique et des nouveaux modes de consommation.
Cela induit d’affronter la question de la propriété lucrative qui agit contre
les êtres humains et la nature.
C’est un autre
projet de société dépassant le capitalisme. Bayrou comme Trump le mettent
eux-mêmes à l’ordre du jour. En effet, bien au-delà de la présentation de
budget, les dirigeants en France comme aux États-Unis et ailleurs présentent de
véritables programmes antisociaux, anti-démocratiques, anti-écologiques, jetant
les travailleuses et les travailleurs les uns contre les autres dans une guerre
sociale sans fin pour alimenter l’accumulation capitaliste et le risque de plus
en plus élevée d’élargissement des guerres militaires. Mandataires des intérêts
du grand capital, ils dessinent les contours d’une société qui pousse à la
barbarie sous couvert de débats budgétaires présentés comme
« raisonnables » ou de « mauvais moment à passer ». Non, ce
n’est pas un mauvais moment, c’est une stratégie politique pour faire perdurer
un système miné par ses insolubles contradictions. Les dépasser implique de
dépasser le système lui-même, jusqu’à l’abolir.
Il n’y a pas de
temps à perdre pour mener des campagnes d’explications, des actions unies et
pour rassembler toutes celles et ceux qui vont souffrir de cette politique si
elle est mise en œuvre. Au-delà, tout ce qui peut être fait pour se réunir et
agir avec les comités locaux du Nouveau Front Populaire doit être fait. Il n’y a qu’une perspective à se
donner : le changement de politique et de société à préparer sans
attendre.
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