samedi 24 mai 2025

« Mort(s) », le bloc-notes de Jean-Emmanuel Ducoin.

 


PATIENTS : À bas bruit, la question de la « fin de vie » s’est donc de nouveau invitée au Parlement, sachant que l’ancien projet de loi, l’an dernier, avait été percuté par la dissolution. En début de semaine, à l’Assemblée nationale, les députés ont commencé à aborder le cœur du débat avec l’examen de l’article 4 du texte actuel, qui fixe les conditions d’accès à l’aide à mourir. Autrement dit, le thème le plus clivant de la proposition de loi sur le suicide assisté et l’euthanasie.

Autant ne pas le cacher, et au-delà des « pour » et des « contre », la problématique épineuse de l’éligibilité des patients à une mort provoquée divise les partisans même de ce nouveau droit. Doit-il uniquement concerner des patients proches de la mort ? Et les malades qui ont encore plusieurs mois à vivre, voire plusieurs années, devraient-ils avoir accès à un produit létal ? Résumons.

Il y a d’un côté les défenseurs d’un droit « restrictif », qui plaident pour appliquer des critères plus « stricts » à l’aide à mourir. Il y a d’un autre côté les partisans d’un droit à mourir, plus axés sur la demande du patient et sa perception de la douleur, qui bataillent pour élargir davantage le texte. Enfin, il y a les opposants radicaux, qui jugent qu’aucun critère ne saurait véritablement restreindre l’aide à mourir.

La loi et la « fin de vie »…

CONVICTIONS : Face aux circonstances des fins de vie, tout individu est un cas particulier. Ceux qui ont connu la disparition d’un proche sur un lit d’hôpital savent que, sur ce sujet, « pacifier le débat », l’objectif affiché par Mac Macron II l’an dernier, n’a rien d’une évidence. L’aide à mourir peut-elle être un geste de « fraternité », terme revendiqué par l’hôte du Palais ?

Vertigineuse question, autour de laquelle se croisent comme rarement convictions personnelles et enjeux politiques collectifs qui touchent à l’intimité de chaque famille, secouent les convictions politiques ou religieuses de chacun, remue des considérations éthiques ou philosophiques, sans jamais atténuer les peurs ni effacer la mémoire d’expériences douloureuses.

Au-delà de ses différences et de ses convictions, en pleine conscience, reconnaissons que la rédaction du texte qui sortira de l’Assemblée nationale aura un impact très concret. Dès lors, chaque mot a une importance cruciale, susceptible d’entraîner un droit à la mort assistée pour des centaines ou des milliers de personnes. Parmi les échanges : la définition de la « phase avancée ou terminale » de l’affection des patients. Cette condition en complète d’autres : être âgé d’au moins 18 ans, être de nationalité française, être atteint d’une « affection grave et incurable » et « présenter une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection ».

Selon la nature des débats, l’aide à mourir pourrait très bien devenir une « réponse en cours de maladie, bien avant la fin de vie », s’est ému, par exemple, le député communiste Stéphane Peu. Celui-ci redoute en effet que, « dans les moments de grande désespérance », la possibilité d’être soigné soit « contrebalancée » par la loi sur l’aide à mourir. Quoi qu’il advienne, il reviendra aux médecins de trancher, malgré le serment d’Hippocrate qui leur interdit de « donner la mort »

DIGNE : L’évocation par Mac Macron II d’un possible référendum sur le sujet en cas d’enlisement de la loi a évidemment échauffé les esprits. En l’état, n’excluons pas le vote (prévu le 27 mai) d’un texte beaucoup plus permissif que ce qui était présenté au départ. Reposons l’une des questions centrales : aurions-nous besoin d’une nouvelle loi si les soins palliatifs étaient à la hauteur d’un pays comme la France, alors que nos hôpitaux restent dramatiquement sous-dotés ?

La Cour des comptes estime ainsi que les besoins en soins palliatifs ne sont assurés qu’à hauteur de 50 % dans notre pays, ce qui, de fait, a rendu inopérante la loi Claeys-Leonetti pour une fin de vie digne et apaisée. Jusqu’à nos jours, la France avait toujours échappé à la demande d’assistance au suicide « par défaut », sans jamais faire porter sur les plus fragiles cette injonction sociale insupportable : ma vie vaut-elle la peine d’être vécue, puisque je suis un « poids » pour ma famille et la société ?

Sans parler des autres interrogations multiples. Donner la mort peut-il devenir un droit civique ? Accorder le droit de donner la mort constitue-t-il une rupture anthropologique ? L’État doit-il être mêlé, d’une manière ou d’une autre, à la mort d’une personne ?

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Je garderai de vous, compagnons de misère, au blanc de mes jardins la noirceur de vos pas, des rides de douleur sur une eau qui fut claire...