« Bonjour, ici l’hôtel Sofitel. Je veux signaler une agression
sexuelle. » Ce fut le
dernier grand scandale avant la vague #MeToo. Peut-être celui qui en a
constitué les prémices. Une déflagration médiatique planétaire, micros et
caméras du monde entier rivés sur Manhattan.
Avec onze ans
de recul, beaucoup a déjà été écrit sur le traitement scandaleux de
« l’affaire DSK », entre l’invisibilisation de la victime, Nafissatou
Diallo, les hypothèses du coup monté, le festival de sexisme et de propos
relevant de la culture du viol comme le « troussage de
domestique ». Mais très peu sur les violences sexistes et sexuelles
(VSS) systémiques que subissent les femmes de chambre des grands hôtels.
À New York
comme à Paris. Elles étaient là, pourtant, devant le tribunal, à crier de
toutes leurs forces « Shame on you ! » au passage de
Dominique Strauss-Kahn. Pas suffisamment fort, visiblement, pour ébranler
le mur de l’indifférence et du déni.
L’insupportable
impunité dont les agresseurs croient pouvoir jouir n’a pas tant changé. Et
continue de briser des vies. Le 30 avril, une salariée de l’Hôtel Barrière
d’Enghien-les-Bains (Val-d’Oise) a été victime d’une agression sexuelle par un
client. La direction de l’établissement n’a pas porté plainte. En 2017, à
l’Ibis Batignolles à Paris, une autre employée est violée par le patron de
l’hôtel. Il faudra attendre sept ans pour qu’il reconnaisse les faits et soit
condamné. Au cours de sa carrière dans l’hôtellerie, une salariée sur deux
risque d’être accueillie en chambre par un client nu, comme le révèle une des
rares études sur le sujet.
Alors même que
l’affaire DSK aurait dû attirer les projecteurs sur cette situation, les
violences sur les femmes de chambre font rarement les gros titres, restées un
angle mort de #MeToo. La précarité du métier, les horaires décalés, le racisme,
la faible mixité des effectifs et la promiscuité avec les clients font des
employées de l’hôtellerie des cibles privilégiées.
Pourtant, rien,
ou si peu, n’a été réellement entrepris pour protéger ces femmes, en dépit des
alertes et propositions des syndicats. Comme pour l’ensemble du monde de
l’entreprise, la lutte contre les VSS ne pourra se passer de l’amélioration des
conditions de travail et de la conquête de l’égalité professionnelle.
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