Y a-t-il encore un avenir pour la sidérurgie en France et en Europe ? À cette question posée dans la commission d’enquête sénatoriale sur l’utilisation des aides publiques par les grandes entreprises, le président d’ArcelorMittal France, Alain Le Grix de La Salle, répondait avec force : « Nous croyons fermement à l’avenir de l’acier en Europe. » Bien loin de ces déclarations, les faits démontrent tout le contraire. Le géant de l’acier exploitait 22 hauts-fourneaux en Europe il y a seulement douze ans. Aujourd’hui, il n’en reste plus que 11 en activité, dont trois en France. Et l’avenir pourrait rapidement s’assombrir à l’horizon 2030 si les investissements pour décarboner les hauts-fourneaux tardent à venir…
Rappelons qu’il
y a cinq ans déjà les entreprises sidérurgiques se sont engagées à réduire de
30 % leurs émissions de gaz à effet de serre dans les dix prochaines
années, avec pour effet de s’affranchir de la volatilité des prix et de leur
dépendance aux énergies fossiles. Produire demain un « acier vert »
que les clients seront prêts à payer plus cher sera un atout compétitif. Pour
cela, les États ont été encouragés par la Commission européenne à appuyer les
efforts de la transformation de l’outil industriel.
À Dunkerque
(Nord), c’est un projet de plus de 1,8 milliard d’euros pour décarboner
les deux hauts-fourneaux. La France s’est engagée à hauteur de
850 millions d’euros à travers son agence, l’Ademe. L’appel a été
largement entendu. Et pourtant rien ne se passe.
L’État français
ne peut pas rester spectateur, les bras ballants, se contentant d’appeler à la
« vigilance ».
La direction
d’ArcelorMittal retarde la décision d’investir depuis plus de trois ans. Elle
évoque, tour à tour, le prix de l’énergie, la non-protection douanière aux
frontières européennes, mais aussi la compétition avec l’acier chinois ou le
manque de visibilité de la réglementation européenne, malgré le plan d’action
sur l’acier dont le dernier date de mars 2025. Si certains sont entendables,
comme le prix de l’énergie, d’autres ressemblent à des prétextes. Si la Chine
est effectivement le premier producteur mondial, son acier est davantage tourné
vers son marché intérieur.
Notre principal
concurrent est surtout l’acier indien, pays de l’actionnaire principal Mittal.
C’est d’ailleurs en Inde, comme au Brésil, que la multinationale investit
massivement dans de nouveaux outils industriels, et non pas en Europe. C’est
également en Inde que les 636 emplois supprimés annoncés la
semaine dernière en France, essentiellement de la matière grise et
des fonctions support, seront délocalisés. Les fonctions support pour bâtir la
ligne à haute tension entre la centrale de Gravelines (Nord) et le site de
Dunkerque, indispensable pour sa décarbonation, sont-elles concernées ?
Auquel cas ArcelorMittal sait déjà qu’il n’investira jamais…
Si c’est le
cas, l’État français ne peut pas rester spectateur, les bras ballants, se
contentant d’appeler à la « vigilance ». Il doit demander des comptes
car, comme l’a révélé la commission d’enquête, ce groupe est largement sous
perfusion d’argent public.
Jamais,
jusqu’alors, le PDG n’en avait révélé les montants faramineux :
298 millions d’euros en 2023 dont 195 concernent l’énergie,
4 millions pour les investissements, 10 millions pour le Feder (Fonds
européen de développement régional) , 40 millions pour le CIR (crédit
d’impôt recherche), 6 millions pour le chômage partiel longue durée,
41 millions pour les allégements de charges et 2 millions pour
l’apprentissage. Ces chiffres sont à mettre en comparaison avec les
17 milliards de fonds propres, les 600 millions de dividendes versés
l’an dernier aux actionnaires ou encore les 12 milliards de rachats
d’action en quatre ans.
Il faut donc
que le ministre de l’Économie et des Finances convoque d’urgence le PDG
d’ArcelorMittal et pose les bonnes questions. Si ArcelorMittal ne compte pas
investir, alors il faut sérieusement envisager la
nationalisation, comme nos voisins britanniques l’ont fait, et
arrêter impérativement toutes subventions publiques. Oui, il y a un avenir pour
Arcelor, avec ou sans Mittal. Produire de l’acier en France et en Europe est un
enjeu stratégique et souverain.
Ce 1er Mai
doit être celui de la solidarité avec tous les travailleurs et toutes les
travailleuses menacés par des plans de licenciement ou des délocalisations. Ce
1er Mai doit être celui du combat pour les salaires, les
conditions de travail, le sens du travail débarrassé des logiques financières
et capitalistiques. Et, au-delà, ce 1er Mai doit être celui de
la lutte pour la paix, la justice sociale et écologique et contre toutes les
idées d’extrême droite, de division et de racisme.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire