mercredi 2 avril 2025

« Quand le RN crie haro sur la justice et l’État de droit », l’éditorial de Marion d’Allard dans l’Humanité.



La petite musique est devenue concerto et, depuis lundi, le haro contre l’État de droit va crescendo. La condamnation de Marine Le Pen dans l’affaire des assistants parlementaires fictifs du FN/RN, doublée de la disqualification, pour l’heure, de la cheffe de file de l’extrême droite à la présidentielle de 2027, a déclenché l’ire de ceux qui se présentent en défenseurs acharnés d’une justice intraitable, sauf, donc, lorsqu’elle s’applique à eux.

Mais ce qui pourrait être considéré comme un simple excès de frustration ne l’est pas. En jetant en pâture une justice supposément « politique », en exposant à la vindicte le nom et le visage de la magistrate Bénédicte de Perthuis – dont le domicile a été placé sous protection policière –, le RN, ses caciques, une partie de ses militants et de ses relais médiatiques jouent le jeu dangereux d’opposer la justice à la démocratie.

La stratégie mise en œuvre n’est ni inédite, ni anecdotique. Elle trouve d’ailleurs un écho certain à droite, de Laurent Wauquiez à François Bayrou. En toute atteinte au principe de séparation des pouvoirs, le premier ministre en exercice s’est ainsi dit « troublé » par le verdict. Marine Le Pen hurle au complot politique

Nicolas Sarkozy, lui aussi condamné – celui qui, en son temps, entendait supprimer les juges d’instruction au profit d’un parquet soumis à l’autorité ministérielle –, s’y était employé avant elle. Faire le procès de la justice est un marqueur de tous les autoritarismes, de tous les populismes. Trump, Orban, Poutine, Netanyahou, tous ont pour dénominateur commun de vouloir mettre la justice au pas. Et comme si l’anathème ne suffisait pas, le RN convoque désormais le passage à l’action. En appelant à la mobilisation, samedi, Jordan Bardella met ses troupes en ordre de bataille.

À l’heure où le confusionnisme a plus que jamais le vent en poupe, aucune concession au mauvais air du temps ne doit diviser les progressistes. Marine Le Pen et ses 23 coaccusés ont été condamnés pour des faits graves, étayés, avérés : le détournement de près de 5 millions d’euros d’argent public. Les peines prononcées découlent d’une décision fondée en droit. Le reste n’est qu’argutie de politique politicienne. Aux conséquences démocratiques potentiellement dévastatrices.

 

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