La révolte qui
embrase la Turquie ne devrait surprendre personne. Elle plonge ses racines dans
l’absolutisme érigé en système par Recep Tayyip Erdogan. Le président a cru
qu’il pouvait, une nouvelle fois, verser dans l’arbitraire sans en subir les
conséquences ; il se retrouve coincé dans son propre étau répressif. Les
motifs avancés pour incarcérer le maire kémaliste d’Istanbul, Ekrem Imamoglu –
son principal rival à la présidentielle de 2028 –, sont à la fois graves et
grotesques.
Les fausses
accusations de « terrorisme » au prétexte de liens avec le Parti des
travailleurs du Kurdistan (PKK) ont déjà justifié la destitution de maires du
Parti de l’égalité et de la démocratie des peuples (ex-HDP) et du Parti
républicain du peuple (CHP), la formation d’Imamoglu. Façon pour Erdogan de
faire place nette en rayant du paysage politique ceux-là mêmes qui ont infligé
une gifle aux candidats de l’AKP lors des municipales de 2024.
L’arrestation
du maire d’Istanbul a mis le feu aux poudres. Le soulèvement
stambouliote a gagné une
écrasante majorité de provinces. Il revendique l’esprit de résistance de
Taksim, lorsque, au printemps 2013, une opposition citoyenne à un projet
immobilier des islamo-affairistes de l’AKP a tourné à l’insurrection populaire
nationale. La réponse d’Erdogan, alors premier ministre, a été d’une violence
inouïe : des arrestations à la pelle et une dizaine de morts, dont Berkin
Elvan, 14 ans, touché par un tir lacrymogène à la nuque. Au terme d’une
lente agonie de 269 jours, il ne pesait plus que 16 kilos.
Certains
s’émeuvent aujourd’hui de la tournure des événements. Or, en plus de vingt ans
de pouvoir, Erdogan a limogé des dizaines de milliers de fonctionnaires et
d’officiers indociles. Il a mis les contre-pouvoirs à sa botte. Internet et la
presse sont bâillonnés ou aux ordres.
Des
intellectuels et journalistes ont été contraints à l’exil. Ses opposants
politiques sont traqués, quand ils ne pourrissent pas en prison comme Selahattin Demirtas, l’ancien coprésident du parti pro-kurde HDP. Ankara,
qui joue un rôle de premier plan au sein de l’Otan ou comme pays rétenteur
d’exilés, jouit de complaisances internationales malsaines. Elles laissent
libre cours à la dérive dictatoriale d’Erdogan.
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