mercredi 26 mars 2025

« Turquie : la dérive dictatoriale d’Erdogan », l’éditorial de Cathy Dos Santos dans l’Humanité.



La révolte qui embrase la Turquie ne devrait surprendre personne. Elle plonge ses racines dans l’absolutisme érigé en système par Recep Tayyip Erdogan. Le président a cru qu’il pouvait, une nouvelle fois, verser dans l’arbitraire sans en subir les conséquences ; il se retrouve coincé dans son propre étau répressif. Les motifs avancés pour incarcérer le maire kémaliste d’Istanbul, Ekrem Imamoglu – son principal rival à la présidentielle de 2028 –, sont à la fois graves et grotesques.

Les fausses accusations de « terrorisme » au prétexte de liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ont déjà justifié la destitution de maires du Parti de l’égalité et de la démocratie des peuples (ex-HDP) et du Parti républicain du peuple (CHP), la formation d’Imamoglu. Façon pour Erdogan de faire place nette en rayant du paysage politique ceux-là mêmes qui ont infligé une gifle aux candidats de l’AKP lors des municipales de 2024.

L’arrestation du maire d’Istanbul a mis le feu aux poudres. Le soulèvement stambouliote a gagné une écrasante majorité de provinces. Il revendique l’esprit de résistance de Taksim, lorsque, au printemps 2013, une opposition citoyenne à un projet immobilier des islamo-affairistes de l’AKP a tourné à l’insurrection populaire nationale. La réponse d’Erdogan, alors premier ministre, a été d’une violence inouïe : des arrestations à la pelle et une dizaine de morts, dont Berkin Elvan, 14 ans, touché par un tir lacrymogène à la nuque. Au terme d’une lente agonie de 269 jours, il ne pesait plus que 16 kilos.

Certains s’émeuvent aujourd’hui de la tournure des événements. Or, en plus de vingt ans de pouvoir, Erdogan a limogé des dizaines de milliers de fonctionnaires et d’officiers indociles. Il a mis les contre-pouvoirs à sa botte. Internet et la presse sont bâillonnés ou aux ordres.

Des intellectuels et journalistes ont été contraints à l’exil. Ses opposants politiques sont traqués, quand ils ne pourrissent pas en prison comme Selahattin Demirtas, l’ancien coprésident du parti pro-kurde HDP. Ankara, qui joue un rôle de premier plan au sein de l’Otan ou comme pays rétenteur d’exilés, jouit de complaisances internationales malsaines. Elles laissent libre cours à la dérive dictatoriale d’Erdogan.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

COMPAGNONS !

Je garderai de vous, compagnons de misère, au blanc de mes jardins la noirceur de vos pas, des rides de douleur sur une eau qui fut claire...