On connaît
l’histoire de la grenouille qui périt faute de s’être aperçue que l’eau
dans laquelle elle baignait s’est réchauffée lentement mais sûrement. Court-on
le même risque que le batracien à s’accommoder toujours plus insensiblement
de la banalisation du Rassemblement national ?
La visite de Jordan
Bardella et Marion Maréchal en Israël s’inscrit dans cette transgression progressive de toute limite. Quoi de
plus lourd de sens, pour les héritiers d’un parti fondé par d’ex-Waffen-SS,
que d’être accueillis à bras ouverts dans un pays où ils ont toujours été
déclarés indésirables ? Sans Benyamin Netanyahou et son invitation
intéressée par le soutien à sa guerre génocidaire contre Gaza, la réception du
gratin de l’extrême droite européenne à une « conférence contre
l’antisémitisme » aurait été impensable.
Pour solde de
tout compte, le président du RN, qui défendait en janvier l’héritage du
multicondamné pour antisémitisme et
négationnisme Jean-Marie Le Pen, prétend, en posant le pied dans le pays fondé par des
survivants de la Shoah, ne pas faire de « politique dans le
rétroviseur ». On croit rêver. L’insulte faite aux six millions
de juifs assassinés par les nazis n’est pas seulement une provocation
insupportable.
Elle est une
étape essentielle du blanchiment de l’extrême droite pour en faire
un recours crédible et acceptable par la bourgeoisie en cas
d’épuisement de « l’extrême centre ». Loin de faire revenir le RN
dans la République, cette opération vise à reporter la tâche de
l’antisémitisme sur la gauche, en prélude à l’exclusion de cette dernière
du champ politique, selon une entreprise de falsification de l’histoire et du
présent complètement assumée. C’est-à-dire à semer les graines du fascisme.
Passant devant
ses bourreaux à Nuremberg, la résistante communiste Marie-Claude
Vaillant-Couturier, rescapée du camp d’Auschwitz, murmurait intérieurement en
les dévisageant : « En ce moment, ce sont des millions de morts
qui vous regardent. » Jordan Bardella devrait méditer ces mots. C’est
lui, aujourd’hui, que les regards des suppliciés poursuivent dans le
« rétroviseur » quand il se promène toute
honte bue au Mémorial de la Shoah Yad Vashem.
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