mardi 4 février 2025

« Après avoir déclenché le 49.3, François Bayrou en sursis », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité.



C’était il y a six mois. Une éternité, déjà. Pour justifier son refus de nommer Lucie Castets à Matignon, Emmanuel Macron avait eu ces mots, le 23 juillet : « La question n’est pas un nom. La question, c’est quelle majorité peut se dégager à l’Assemblée pour qu’un gouvernement de la France puisse passer des réformes, passer un budget. »

Plus d’un semestre et deux premiers ministres plus tard, le pays n’a toujours pas de majorité. Et si la censure se heurte au final aux atermoiements des socialistes, personne n’est dupe pour autant des conditions de l’adoption, sans vote, des deux lois de finances (de l’État et de la Sécu) passées au forceps du 49.3. Quant aux « réformes », depuis la dissolution, c’est l’immobilisme le plus total.

Sur tous les plans évoqués par le président de la République pour dénier au Nouveau Front populaire (NFP) le droit de gouverner alors qu’il est arrivé en tête des législatives, l’échec est patent. Le soutien du Rassemblement national à Michel Barnier s’est avéré celui de la corde au pendu. Soldé par un 49.3, il a entraîné la chute du premier ministre après seulement quelques semaines à Matignon. François Bayrou n’est pas en reste, faute de décrocher l’approbation formelle des députés PS pour passer son budget.

De quelque côté qu’on se tourne, vers la droite, l’extrême droite ou vers le « centre », le constat est le même. Personne n’a fait la preuve qu’il était mieux armé que le NFP pour créer des majorités « texte par texte ». Et les œillades du maire de Pau au RN sur la « submersion » migratoire ne sont d’aucun secours quand il s’agit de combler des déficits ou de remplir les caisses des ministères. Réduit à naviguer à vue, le gouvernement se sait en sursis.

Rejeté par les électeurs, il ne peut même plus compter sur le patronat, qui reprend ses jérémiades, émoustillé par de nouvelles idoles plus radicales. Ainsi Pierre Gattaz, l’ancien patron du Medef, qui en appelait récemment à « un Donald Trump, un Elon Musk ou un Javier Milei en France pour arrêter ce délire » (sic) de la modeste surtaxe Bayrou sur les entreprises. Coincé entre le NFP, le RN et un Medef en voie de trumpisation, le « centrisme » n’a tout simplement plus d’espace.

 

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