mercredi 15 janvier 2025

« Verrou », l’éditorial de Rosa Moussaoui dans l’Humanité.




Laurence Parisot ne s’y est pas trompée : « Tiens, le premier ministre reprend des extraits de mes discours en tant que présidente du Medef », s’est amusée l’ancienne patronne des patrons, mardi 14 janvier, à l’écoute de la feuille de route présentée par François Bayrou aux députés. Et tout y était, en effet, dans la rhétorique comme sur les choix politiques.

Le chef du gouvernement n’a pas eu le moindre mot sur les urgences dont le pays s’alarme : salaires bloqués, pouvoir d’achat comprimé, emplois détruits ou menacés par dizaines de milliers, services publics au régime sec. Loin du réel, c’est l’interminable et assommante litanie des obsessions ultralibérales ruminées depuis ses années giscardiennes qui tramait son discours de politique générale.

Sur le déficit public d’abord, qu’il entend ramener, comme l’exige Bruxelles, à 3 % du PIB en 2029 par la contention des dépenses sociales. Il impute d’ailleurs l’envolée de la dette sous les mandats d’Emmanuel Macron aux pensions versées aux retraités, dans un ulcérant tour de prestidigitateur escamotant les cadeaux fiscaux ruineux offerts aux ultrariches et aux multinationales.

Ces dernières « font honneur à la France et contribuent à sa richesse », a-t-il affecté, en jurant de les prémunir contre des « augmentations exponentielles d’impôts et de charges ». Pas touche au grisbi : les grands groupes du CAC 40, qui ont versé le montant record de 73 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires en 2024, et leur promettent cette année 81 milliards, ne sont pas concernés par les « efforts » que l’exécutif exige des salariés, des chômeurs, d’une jeunesse précarisée.

Quant à la contre-réforme des retraites, dont le passage en force, en 2023, nourrit une grave crise politique, elle ne sera ni abrogée, ni suspendue, ni gelée. Son sort est remis entre les mains d’un « conclave » où le patronat fera obstacle à toute réforme alternative mobilisant, comme le suggèrent les syndicats, des financements nouveaux. François Bayrou n’a pas donné à la gauche le moindre gage. La procédure choisie pour remettre le budget sur le métier cadenasse les arbitrages imposés par le gouvernement Barnier. Sous les airs de l’homme de dialogue soucieux du pluralisme, le premier ministre verrouille tout. En ligne avec la mission que lui a confiée l’Élysée.

 

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