Il ne siégera pas autour de la table du G20, mais son ombre plane déjà sur
les débats du sommet de Rio. Même s’il faut se garder de lire dans la victoire
de Donald Trump une rupture stratégique dans le cap au long cours suivi par
Washington, son slogan de campagne, « America first », résume à lui
seul la profondeur de la crise du multilatéralisme. Celui-ci, tout à la fois
projet politique et méthode de concertation pacifique, est malmené par la
montée des nationalismes, plombé par l’usure d’institutions inadaptées au monde
tel qu’il change. Les cadres hérités du XXe siècle ont mal
vieilli. L’ONU est paralysée par le droit de veto des membres permanents de son
Conseil de sécurité, rudoyée par leur dédain pour le droit international.
Le Sud global entend à raison sortir de la marginalité politique dans
laquelle le tiennent les prétentions des grandes puissances – et pas seulement
à l’occasion de forums à la carte, comme celui qui s’ouvre ce lundi au Brésil.
En ce sens, la rénovation du multilatéralisme passera nécessairement par la
refonte et la désoccidentalisation des institutions qui le charpentent.
Rebâtir les espaces de régulation d’un monde commun est une urgence. Aucun des
défis posés par le chaos climatique, l’effondrement de la biodiversité, le
creusement effarant des inégalités, la crise systémique du capitalisme, les
guerres en cours, la colonisation persistante de territoires où les peuples
aspirent à la liberté et l’indépendance ne pourra trouver de réponse dans les
replis chauvins, dans la primauté de la concurrence sur la coopération.
Si elle prenait enfin corps, l’idée d’un impôt nouveau sur les 3 000
milliardaires de la planète, portée dans ce G20 par le président brésilien Lula,
serait un pas dans la bonne direction, quand 1 % des plus fortunés
accaparent près de la moitié de la richesse mondiale alors que les 50 %
les plus pauvres n’en détiennent même pas 2 %. Dans la même veine, la
présidente mexicaine Claudia Sheinbaum propose d’affecter 1 % des dépenses
mondiales d’armement à la lutte contre la pauvreté. Il faut écouter ces voix du
Sud. De telles réformes ne suffiraient évidemment pas à remettre le monde à
l’endroit. Mais elles ont au moins le mérite de faire entendre une autre
rhétorique que celle de la tronçonneuse de Javier Milei ou de la hache d’Elon
Musk.
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