Il y a cinquante ans jour pour jour, Simone Veil montait à la tribune
de l’Assemblée nationale pour y
prononcer son discours en faveur de la légalisation de l’IVG. Chignon serré et
voix posée face aux huées et aux injures de son propre camp, la ministre en
impose par sa dignité et sa détermination. Elle n’est pas seule. Des centaines
de féministes attendent des heures dans le froid, devant le Palais Bourbon. Des
millions d’autres femmes, derrière leur poste, s’accrochent à ses mots,
ressentent dans leur chair l’espoir à venir : la marche inébranlable vers
la liberté à disposer de leur corps. À décider SI et QUAND elles donneront
naissance à un enfant.
Cette première victoire (tardive – l’Union soviétique a légalisé l’IVG en
1920), n’est pas uniquement le fruit du courage d’une ministre. Des combats
décisifs, notamment menés par le Mlac, mais aussi la loi Neuwirth de 1967 sur la contraception, ont commencé
à faire bouger les mentalités. Sur l’avortement, le « Manifeste des 343
salopes », un MeToo
avant l’heure, puis le procès de Bobigny ont déjà fait basculer l’opinion
publique. La loi sera finalement adoptée le 20 décembre, grâce aux voix de
la gauche.
Le 8 mars dernier, la France est devenue le premier pays au monde à reconnaître
dans sa Constitution la liberté de
recourir à l’avortement. Mais la
notion de « liberté garantie » relance la question des moyens alloués
à cette politique de santé publique. En dix ans, plus de 130 centres d’IVG
ont disparu. Sur la même période, 45 établissements hospitaliers la
pratiquant ont fermé. Sans compter les praticiens qui refusent l’acte en
vertu de la clause de conscience spécifique.
Cet anniversaire n’intervient donc pas dans n’importe quel contexte, alors
que le gouvernement compte parmi ses membres des opposants farouches à
l’avortement, dont le droit est remis en cause dans de nombreux pays
où l’extrême droite et les intégristes de tout poil sont au pouvoir.
Aucune femme ne sera véritablement libre tant qu’à l’autre bout du monde, une
autre sera lapidée pour avoir tenté de l’être.
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