Il fut un temps où le bouffon était le protégé du roi, son exutoire autant
qu’un trublion. Cette ère est révolue. La suspension de Guillaume Meurice, sa
convocation le 16 mai pour sanction disciplinaire en disent long sur les
menaces qui pèsent sur la liberté d’expression. Sa mise à l’écart de l’antenne
de France Inter est un symptôme de l’uniformisation des idées et de
l’information. De quoi appauvrir les contenus éditoriaux, conforter la pensée
dominante. L’humour peut être une arme redoutable ; il est soumis au
couperet de la censure. Les poursuites contre Guillaume Meurice, finalement
classées par le parquet de Nanterre, témoignent du climat démocratique délétère
qui règne en France.
Épaulées par les médias bollorisés, l’extrême droite et sa puissante armée
de trolls sur les réseaux sociaux contaminent un débat public fragilisé, réduit
aux invectives, à la confusion. Une partie du monde politique, économique et
intellectuel se laisse aller à de périlleux glissements. Les têtes qui
dépassent sont coupées, clouées au pilori. Radio France n’est pas épargnée. Sa
présidente et ancienne conseillère de l’Élysée sous Nicolas Sarkozy, Sibyle
Veil, ainsi que la patronne de France Inter, Adèle Van Reeth, ont beau se
réfugier derrière la mise en garde de l’Arcom pour justifier l’éviction de
Guillaume Meurice, personne n’est dupe. Comment expliquer l’effacement dans la
grille de programmes comme la Terre au carré, C’est bientôt
demain, la Librairie francophone ou encore la chronique de
Dominique Méda sur France Culture ? Ces émissions, qui rimaient avec
savoir-faire professionnel et intelligence, sont-elles aussi trop
« militantes » ?
On ne peut s’empêcher de faire le rapprochement entre ce grand ménage et le
projet de fusion (France Télévisions, Radio France, France 24, RFI, l’INA)
porté par la ministre de la Culture Rachida Dati et présenté le 23 mai à
l’Assemblée nationale. Une sorte de résurrection de l’ORTF, en somme, inféodée
au pouvoir. À raison, les syndicats de Radio France, en grève pour manifester
leur solidarité avec Guillaume Meurice, sont vent debout contre ces desseins
d’un autre temps. Cette fusion signerait l’arrêt de mort du service public et
porterait de graves atteintes au pluralisme, au libre exercice du métier de
journaliste. Décidément, on les aime bien, les « gauchistes » de
Radio France.
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