vendredi 17 mai 2024

« Gauchistes », l’éditorial de Cathy Dos Santos dans l’Humanité.



Il fut un temps où le bouffon était le protégé du roi, son exutoire autant qu’un trublion. Cette ère est révolue. La suspension de Guillaume Meurice, sa convocation le 16 mai pour sanction disciplinaire en disent long sur les menaces qui pèsent sur la liberté d’expression. Sa mise à l’écart de l’antenne de France Inter est un symptôme de l’uniformisation des idées et de l’information. De quoi appauvrir les contenus éditoriaux, conforter la pensée dominante. L’humour peut être une arme redoutable ; il est soumis au couperet de la censure. Les poursuites contre Guillaume Meurice, finalement classées par le parquet de Nanterre, témoignent du climat démocratique délétère qui règne en France.

Épaulées par les médias bollorisés, l’extrême droite et sa puissante armée de trolls sur les réseaux sociaux contaminent un débat public fragilisé, réduit aux invectives, à la confusion. Une partie du monde politique, économique et intellectuel se laisse aller à de périlleux glissements. Les têtes qui dépassent sont coupées, clouées au pilori. Radio France n’est pas épargnée. Sa présidente et ancienne conseillère de l’Élysée sous Nicolas Sarkozy, Sibyle Veil, ainsi que la patronne de France Inter, Adèle Van Reeth, ont beau se réfugier derrière la mise en garde de l’Arcom pour justifier l’éviction de Guillaume Meurice, personne n’est dupe. Comment expliquer l’effacement dans la grille de programmes comme la Terre au carréC’est bientôt demainla Librairie francophone ou encore la chronique de Dominique Méda sur France Culture ? Ces émissions, qui rimaient avec savoir-faire professionnel et intelligence, sont-elles aussi trop « militantes » ?

On ne peut s’empêcher de faire le rapprochement entre ce grand ménage et le projet de fusion (France Télévisions, Radio France, France 24, RFI, l’INA) porté par la ministre de la Culture Rachida Dati et présenté le 23 mai à l’Assemblée nationale. Une sorte de résurrection de l’ORTF, en somme, inféodée au pouvoir. À raison, les syndicats de Radio France, en grève pour manifester leur solidarité avec Guillaume Meurice, sont vent debout contre ces desseins d’un autre temps. Cette fusion signerait l’arrêt de mort du service public et porterait de graves atteintes au pluralisme, au libre exercice du métier de journaliste. Décidément, on les aime bien, les « gauchistes » de Radio France.

 

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