Il fut un temps où, pour contrer le RN, le chef de l’Etat en appelait aux électeurs progressistes. Aujourd’hui pour contrer l’extrême droite, il mène tout simplement une politique de droite.
Il fut un temps où Emmanuel Macron prenait bien soin de parler et d’envoyer
des signes à la partie, non négligeable, de l’électorat de gauche, sans
laquelle il n’aurait pas été élu, puis réélu. Ce temps est révolu. Son équipe,
son vocabulaire, ses référents symboliques et surtout ses réformes annoncées
sont de droite, sans ambages, sans plus de soucis d’équilibre. Emmanuel Macron
ne s’adresse plus à la gauche, même lorsqu’il s’agit de dénoncer le
Rassemblement national et Marine Le Pen.
«C’était mieux avant»
Là, le reproche mis en avant est de l’ordre de «l’irresponsabilité économique» ou du
doute sur les compétences de la cheffe du parti d’extrême droite, plus jamais
sur son racisme ou son illibéralisme. Emmanuel Macron a – tout au plus –
précisé lors de sa conférence de presse que sa politique migratoire était plus
vertueuse que celle proposée par le RN puisque, lui, ne voulait pas réviser la
Constitution à ce propos. Une position bien fragile alors que le texte est en
ce moment entre les mains du Conseil constitutionnel pour examen, et qu’il se
pourrait qu’une bonne partie, s’agissant de prestations sociales différenciées
entre Français et étrangers en situation irrégulière, soit déclarée comme étant
de la pure et simple préférence nationale et donc hors des clous de la loi
fondamentale.
Les thèmes de la conférence de presse, la sémantique conservatrice «sépia» (le
terme s’est imposé ces derniers jours dans les commentaires)
de ce «rendez-vous avec la nation» en forme de grand-messe des
années De Gaulle, ou plutôt des années 1960, le préfixe «ré» – «réarmement»,
«régénération»… – qui suggère au parti Renaissance de retrouver une
situation disparue, décrivent une orientation nettement conservatrice. L’idée
du retour à l’autorité bien plus martelée que l’élément classique du macronisme
progressiste d’avant, «l’émancipation», achève de donner une
explication droitière du monde. La généralisation du Service national universel
ne dit rien d’autre que «c’était mieux avant», du
temps du service militaire obligatoire. L’expérimentation de l’uniforme à l’école (la «tenue
unique») flatte les souvenirs, forcément nostalgiques, de ceux qui étaient
en primaire dans les années 60 et 70. Avec – comme sous-texte – l’idée selon
laquelle la fin de la blouse est un dérivé fâcheux de la perte de l’autorité du
maître depuis Mai 68.
Imaginaire fantasmatique
Il s’agit là d’accompagner une impression de décadence ressentie par les
conservateurs ou les nostalgiques alors que la disparition de la blouse
scolaire au début des années 70 a des causes beaucoup plus rationnelles : la
généralisation du stylo-bille (donc la fin des tâches d’encre) et l’arrivée
dans quasiment tous les foyers de machines à laver le linge ainsi que
l’explosion du prêt-à-porter qui ont radicalement changé les habitudes
vestimentaires. Il n’y avait, alors, plus besoin de protéger un pantalon, une
jupe ou un pull que les élèves pouvaient porter plusieurs jours de suite. Voilà
la vraie et la seule raison de la disparition de la blouse : on n’en avait plus
besoin. Emmanuel Macron préfère, lui, mobiliser un autre imaginaire
fantasmatique.
Autre manifestation flagrante de la fin du souci de ménager l’opinion de
gauche : tous les ministres issus de la gauche ayant émis un doute sur la loi
immigration (Clément Beaune) ou pris leurs distances, explicitement (Rima Abdul
Malak) ou en off (vous trouverez par déduction et élimination…) avec l’idée
présidentielle selon laquelle Gérard Depardieu constitue une «fierté
française» ont été remerciés. Le débauchage provocateur de Rachida Dati est
le clou symbolique du nouveau «rien à foutre de la gauche». Une sarkozyste pur
jus pour remplacer Rima Abdul Malak,
appréciée du monde de la culture, démontre que ce gouvernement est avant tout
une arme contre le RN dans le cadre des élections européennes de juin. Il fut
un temps où, pour contrer le RN, Emmanuel Macron en appelait aux électeurs de
gauche. Aujourd’hui pour contrer le RN, il mène une politique de droite. On souhaite
bien du courage au successeur d’Emmanuel Macron s’il veut pouvoir demander aux
électeurs de gauche de faire à nouveau barrage à l’extrême droite.
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