vendredi 27 octobre 2023

« Colonisation(s) » le bloc-notes de Jean-Emmanuel Ducoin.



Exigence : Si le passé reste pour tout littérateur de l’actualité une provision pour la route plutôt qu’une usure, « pratiquer » un peu d’Histoire nous enseigne toujours sur notre ici-et-maintenant en tant qu’exigence. Ainsi en est-il du journaliste Jean-Michel Aphatie et du maître de conférences en science politique Olivier Le Cour Grandmaison, coauteurs d’une tribune pour le moins courageuse dans les colonnes du Monde, ce 24 octobre, dont le titre pourrait devenir un slogan pour tout républicain digne de ce nom : « La glorification du maréchal Bugeaud n’a que trop duré ».

Les mots se veulent évocateurs et offrent une occasion rêvée au bloc-noteur de s’attarder sur la figure abjecte de Robert Bugeaud, marquis de La Piconnerie, duc d’Isly, maréchal de France né en 1784 et mort en 1849. Dans leur texte à charge, Jean-Michel Aphatie et Olivier Le Cour Grandmaison plante le décor : « Le 5 septembre 1853, il y a cent soixante-dix ans, avec le soutien de Louis-Napoléon Bonaparte qui, après avoir abattu la seconde République, a proclamé l’Empire, les autorités de Périgueux ont inauguré lastatue du maréchal Bugeaud. » Et ils précisent : « Comme on peut encore le lire sur le piédestal, il est honoré en tant que » grand homme de guerre », qui s’est notamment illustré au cours de la « pacification » et de la « coloni­sation » de l’Algérie. »

« La glorification du maréchal Bugeaud n’a que trop duré. »

Massacres : « Pacification » ? La formule est évidemment devenue une rhétorique odieuse, dénoncée par les coauteurs : « À dessein apologétiques et abstraits, ces termes recouvrent de terribles réalités constitutives d’une guerre totale, conçue et appliquée par celui qui, depuis 1840, est gouverneur général de cette colonie. »

Autant de conflits destructeurs et meurtriers. Aux oasis, villages et agglomérations diverses anéantis en tout ou partie s’ajoutent massacres, tortures, déjà, déportations en masse des populations autochtones également soumises à des « enfumades », au cours desquelles des tribus entières ontété parfois exterminées. Aphatie et Le Cour Grandmaison ajoutent : « Bugeaud n’a pas été seulement le bourreau des « indigènes » algériens qu’il a soumis aux méthodes que l’on sait, depuis longtemps connues et désormais parfaitement documentées. Devenu maréchal de France en 1843, il futaussi un ennemi redoutable de la République quil haïssait. » Le même Bugeaud, qui déclara aux premières heures de la révolution de février 1848 : « Eussé-je devant moi cinquante mille femmes et enfants, je mitraillerais. »

Mémoire : Nous partageons le même constat. « Qu’un tel personnage soit toujours honoré par la République ne laisse pas de surprendre. En effet, des rues Bugeaud existent à Albertville, Bergerac, Lille, Lyon, Marseille, notamment. À Limoges, c’est un cours, à Meudon unsquare, et à Paris une avenue et une statue sur la façade du musée du Louvre », écrivent les deux dénonciateurs, qui soutiennent donc toutes les initiatives visant à débaptiser tous ces lieux et affirmant au passage que, « agir de la sorte, ce n’est pas céder aux dangers supposés du wokisme ou dela cancel culture ». Ne pas oublier les fantômes de notre passé ne constitue pas une offense à la France. C’est, au contraire, un travail de mémoire et un devoir d’Histoire.

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