Combien faudra-t-il de secousses pour que le cinéma
entame le nécessaire travail d’introspection sur les violences sexistes et
sexuelles qui le minent ? C’est pourtant
avec l’affaire Weinstein que MeToo a percé le mur médiatique, il y a maintenant presque six ans. Depuis, très peu de choses ont
bougé. Encore récemment, Gérard Depardieu était accusé par treize femmes sans
que grand monde dans le milieu s’en émeuve outre mesure. C’est désormais Adèle
Haenel, considérée il y a quelques années comme le plus grand espoir du cinéma
français, qui claque la porte du 7e art devant le déni généralisé des
violences. « Trop radicale ! » lui jettent à la figure les partisans de l’immobilisme et de la
cécité.
Parmi eux, Maïwenn figure en bonne place. Habituée des
sorties antiféministes, la réalisatrice qui, il y a quelques jours, a rajouté à
ses faits de gloire l’agression physique d’un journaliste – Edwy Plenel –, est
pourtant le symbole choisi par le Festival de Cannes pour ouvrir les
réjouissances. Un choix d’autant plus contestable qu’elle-même a décidé de
confier à Johnny Depp, accusé de violences conjugales et nouveau héros des
masculinistes américains, le rôle du roi dans sa Jeanne du Barry.
Le tapis rouge pouvait difficilement signifier plus bruyamment que les victimes
qui subissent les violences en coulisses doivent y rester.
Thierry Frémaux, le délégué général du Festival, en
déclarant ne s’intéresser qu’au « comédien » Johnny Depp, se défend de la plus mauvaise des
manières. Comme si Cannes pouvait s’extraire de la société. Le délégué général
connaît trop bien l’histoire du Festival pour feindre d’ignorer qu’il trouve
ses sources dans le Front populaire et la lutte contre le fascisme, et doit sa
renaissance après guerre aux forces de la Résistance. Une époque où on avait
compris que les affaires ne peuvent passer avant l’émancipation, à laquelle la
culture participe activement. Cette semaine, dans une tribune, plus de 100
actrices et acteurs ont apporté leur soutien à Adèle Haenel et dénoncé les
violences endurées en silence dans leur milieu professionnel. Le cinéma ne peut
rater une nouvelle chance de les entendre.
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