vendredi 19 mai 2023

« Cécité en salles obscures », l’éditorial de Cédric Clérin dans l’Humanité.



Combien faudra-t-il de secousses pour que le cinéma entame le nécessaire travail d’introspection sur les violences sexistes et sexuelles qui le minent? Cest pourtant avec laffaire Weinstein que MeToo a percé le mur médiatique, il y a maintenant presque six ans. Depuis, très peu de choses ont bougé. Encore récemment, Gérard Depardieu était accusé par treize femmes sans que grand monde dans le milieu s’en émeuve outre mesure. C’est désormais Adèle Haenel, considérée il y a quelques années comme le plus grand espoir du cinéma français, qui claque la porte du 7e art devant le déni généralisé des violences. «Trop radicale!» lui jettent à la figure les partisans de l’immobilisme et de la cécité.

Parmi eux, Maïwenn figure en bonne place. Habituée des sorties antiféministes, la réalisatrice qui, il y a quelques jours, a rajouté à ses faits de gloire l’agression physique d’un journaliste – Edwy Plenel –, est pourtant le symbole choisi par le Festival de Cannes pour ouvrir les réjouissances. Un choix d’autant plus contestable qu’elle-même a décidé de confier à Johnny Depp, accusé de violences conjugales et nouveau héros des masculinistes américains, le rôle du roi dans sa Jeanne du Barry. Le tapis rouge pouvait difficilement signifier plus bruyamment que les victimes qui subissent les violences en coulisses doivent y rester.

Thierry Frémaux, le délégué général du Festival, en déclarant ne s’intéresser qu’au «comédien» Johnny Depp, se défend de la plus mauvaise des manières. Comme si Cannes pouvait s’extraire de la société. Le délégué général connaît trop bien l’histoire du Festival pour feindre d’ignorer qu’il trouve ses sources dans le Front populaire et la lutte contre le fascisme, et doit sa renaissance après guerre aux forces de la Résistance. Une époque où on avait compris que les affaires ne peuvent passer avant l’émancipation, à laquelle la culture participe activement. Cette semaine, dans une tribune, plus de 100 actrices et acteurs ont apporté leur soutien à Adèle Haenel et dénoncé les violences endurées en silence dans leur milieu professionnel. Le cinéma ne peut rater une nouvelle chance de les entendre.

 

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