Assise dans le bus elle lit et butte sur cette phrase
de l'écrivaine parlant de son père : « peut être sa plus grande fierté, ou même
la justification de son existence, que j’appartienne au monde qui l’avait
dédaigné. » Un discret parfum de lavande la surprend. Elle abandonne sa
lecture, lève les yeux. Un homme, assis en face d’elle dans le bus, fait des
mots croisés. La blancheur de son visage contraste avec ses cheveux très bruns,
brillants, lissés en arrière. Ses yeux vifs et noirs sont cerclés de lunettes
rondes aux épaisses montures d’écaille. La bouche fine affiche une moue
perplexe pendant que sa longue main aux ongles courts et soignés s’agite et
remplit, hésitante, avec un crayon à papier quelques cases blanches. L'homme
soudain met son crayon dans la poche interne de sa veste bleue marine, referme
sa revue de mots croisés et la range dans une serviette plate en cuir noir. Il
lève les yeux, l’aperçoit, la contemple avec un regard surpris exprimant à la
fois fierté et fragilité. Le bus ralentit, il lui sourit tout en se levant et
murmure à son attention : « je t’ai aimé, crois-moi » Elle le suit du regard.
Des larmes, qu’elle ne peut retenir, coulent sur son visage. Le bus s’arrête,
l’homme descend allume une cigarette. « Papa » crie t’elle sans pouvoir se
lever et le suivre. Elle le regarde attendrie disparaître dans la rue. Une
sonnerie stridente vient interrompre le bonheur fugace de l’instant. Elle se
réveille, son oreiller est trempé de larmes. Elle se lève laissant derrière
elle son passé pour songer à la journée qui débute. Elle aime la magie de
l’aube, ce moment unique où tout est encore possible.
lundi 3 avril 2023
Nouvelle : « À mon père »
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