Il y a 20 ans, le 17 mars 2003, les deux
assemblées législatives (Assemblée et Sénat) se réunissaient en Congrès à
Versailles pour entériner les révisions constitutionnelles sur la
décentralisation. Les transferts de compétence de l’État vers les départements,
comme le recrutement des personnels techniciens, ouvriers et de service des
collèges, ou le RMI, aujourd’hui RSA, découlent de cette réforme
constitutionnelle. Ce 17 mars 2003, comme un seul homme, les parlementaires de
droite et du Parti socialiste avaient approuvé cette loi. Seuls, les
sénatrices, sénateurs et député.e.s communistes s’y étaient opposés. Président
du conseil général, j’avais décidé, avec mes camarades communistes, de
convoquer une séance spéciale de l’assemblée départementale, alors que les élus
locaux et les citoyens avaient été tenus à l’écart d’un véritable débat sur
cette loi, alors appelée « la mère de toutes les réformes » par
Jean-Pierre Raffarin, le premier ministre d’alors. Elle se tint le 10 décembre
2002, avec des élus communistes, un peu seuls, avouons-le ! Qu’avais-je dit ce
jour-là ?
« Le
gouvernement présente la loi constitutionnelle avec comme perspective annoncée,
de faire franchir une nouvelle étape de la décentralisation. S’il s’agissait de
cela, je n’éprouverais aucune inquiétude. Je suis, sans ambiguïté, pour une
véritable décentralisation, plus poussée, plus démocratique, plus audacieuse,
porteuse de nouveaux droits pour les collectivités et les habitants, une VIe
République placée sous le signe de la citoyenneté, de l’égalité. Mais c’est
parce que le projet départemental est aux antipodes de ces objectifs que je n’y
suis pas favorable. En effet, sous prétexte de décentralisation, qui au
demeurant ne nécessitait pas une modification de la Constitution, n’est-ce pas
en réalité tout un projet de société qui se prépare en épousant au mieux les
exigences inhumaines de l’ultralibéralisme ? En lieu et place de la
République des proximités, chère au Premier ministre, c’est la République des
inégalités qu’on nous concocte… Lorsque le projet du Premier ministre vise le
transfert de pans entiers de grandes missions sociales, il ne tend pas à
réduire les inégalités, il tend à les aggraver… L’histoire, les droits
politiques et les conquêtes sociales ont conduit l’État à jouer un rôle
essentiel de garant de l’unicité de la République, de garant de l’égalité des
citoyens devant la loi, et donc l’accès aux mêmes droits en tout point du
territoire, notamment par une présence de proximité des services de l’État, un
maillage fin des administrations et l’existence de services et entreprises
publics pour assurer au meilleur coût l’accès du plus grand nombre aux services
essentiels… Là où il conviendrait de mieux organiser la solidarité, le
gouvernement répond en transférant aux collectivités des compétences qui
relèvent de la solidarité nationale. Et s’agissant des transferts de ressources
qui doivent accompagner les transferts de compétences, là encore, nous avons
tout lieu d’être inquiets au regard des expériences des années passées. »
(À l’âge où la vie se raconte. Pages 191 et 192)
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