vendredi 11 juillet 2025

« Guerre culturelle : l'OPA de Stérin sur les bons moments », l’éditorial de Stéphane Sahuc.



Histoire, terroir, patrimoine et convivialité, voilà un mélange subtil qui garantit le succès. À commencer par celui des fêtes votives qu’organisent les comités des fêtes des villages lorsque reviennent les beaux jours. Pas une cité médiévale, pas une bastide, pas un château qui n’ait un spectacle « son et lumière », en costume. Une richesse culturelle qui aiguise les appétits et pas seulement en matière financière.

L’extrême droite française n’a jamais été capable d’organiser d’événement politico-culturel assumé. La piteuse faillite de l’éphémère Fête des bleu-blanc-rouge en est la démonstration. En conséquence ses mécènes milliardaires, après avoir investi l’espace médiatique, en achetant journaux, radios et fréquences télé, veulent désormais s’offrir notre patrimoine culturel et festif. En première ligne de cette nouvelle offensive, on retrouve l’incontournable Stérin. Pas question bien sûr d’avancer à visage découvert. L’objectif est d’instiller à travers ces fêtes, banquets et spectacles une certaine vision de la France et des Français.

Une France figée dans un passé fantasmé et réactionnaire. Ici, les banquets sont à base de vin et de cochon considérés comme les marqueurs de la gastronomie traditionnelle. Un moyen simple d’exclure toute une partie de la population d’un moment partagé, de lui faire sentir qu’elle n’est pas à sa place.

L’Histoire, elle, est revisitée dans sa version Puy du Fou : le baptême de Clovis, les rois, les croisades, la terreur révolutionnaire, les guerres et la Résistance amputée de son pan progressiste, singulièrement des communistes. Une France rabougrie sur un roman national identitaire bien éloigné de toute rigueur scientifique. L’exact inverse de cette dialectique France et monde que nous racontent les historiens comme Patrick Boucheron, avec pour ambition de « réconcilier le sentiment d’appartenance nationale et le goût du monde ».

Comme le dit le professeur au Collège de France, « notre vrai roman national, c’est la mise en mouvement d’une histoire qui va vers son projet plutôt que de réciter, en ânonnant, le récit de ses origines. Une nation qui va effectivement vers son point d’aboutissement qui demeure son projet politique : comment nous voulons vivre avec ceux qui sont là ».

 

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