À la
Libération, le Conseil national de la Résistance érigeait les vacances en
droit, dans le même esprit qui avait prévalu à l’instauration des congés payés
conquis de haute lutte en 1936 avec le Front populaire. Quatre-vingts ans plus
tard, ce droit est en recul, relégué aux oubliettes par les pouvoirs publics.
Il avait pourtant été inscrit dans la loi contre l’exclusion de 1998, sous
l’impulsion de la communiste et ancienne secrétaire d’État au Tourisme Michelle
Demessine, car vecteur d’épanouissement et d’inclusion. Aujourd’hui, on ne
compte plus les enfants qui n’ont jamais vu la mer ou la montagne « pour
de vrai ». Près de la moitié des Français ne partent pas en vacances. Ces
statistiques s’affolent chez les ouvriers et les employés avec un taux qui
monte à 50 %. Quant aux allocataires du RSA, ils sont 70 % à vivre
reclus chez eux.
L’absence de
vacances est un révélateur des inégalités sociales. La précarité, le chômage,
la faiblesse des salaires, l’inflation en constante augmentation ont conduit
des familles à rogner sur le budget des vacances, considérées comme « non
essentielles » à l’heure où les factures s’accumulent. Cette assignation à
résidence est un terrible marqueur de classe. Elle est source de tensions
intrafamiliales, de stress et de repli social. Elle fait des ravages chez les
plus petits, car elle aiguise les différences et alimente la dévalorisation de
soi ; elle plombe la curiosité et l’éveil.
Le droit aux
vacances n’est pas qu’une affaire personnelle ni un supplément d’âme. Il est
également lié aux attaques qu’il subit : le prix des colonies a explosé,
les aides sont insuffisantes et souvent méconnues, les structures des
collectivités locales ont presque toutes disparu du fait de l’austérité
auxquelles elles sont soumises, les comités d’entreprise ont vu leur marge de
manœuvre se réduire drastiquement, etc.
L’État porte
une responsabilité dans ce phénomène d’exclusion sociale en raison même de
son désengagement dans le domaine du tourisme social au profit d’une conception
lucrative de ce secteur. Réinvestir dans une véritable politique publique du
droit aux vacances n’est pas une lubie. Elle peut faire hurler certains, mais,
après tout, l’État n’a-t-il pas mis
la main à la poche pour soutenir de grands groupes économiques sans
contrepartie ? Tout est
toujours affaire de choix.
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