La dissolution de
l’Assemblée nationale a
déréglé la fabrique d’un pouvoir législatif aux ordres. Faute de
majorité de godillots, la chambre n’est plus celle de l’enregistrement des
décisions du gouvernement. Le Parlement y a gagné une insolence qui
faisait défaut à la démocratie.
Ce vent
nouveau de fronde indispose les nostalgiques d’un pouvoir fort concentré
à l’Élysée et Matignon, qui dénoncent ce qu’ils voient comme un excès de
zèle des députés et sénateurs.
L’audition de François
Bayrou devant la commission Bétharram en serait un exemple. Après la pathétique prestation du premier ministre
sur ce qu’il savait des violences commises sur les élèves de
l’établissement privé béarnais, un allié inattendu a volé à sa rescousse. Le
RN, par la voix du député Sébastien Chenu, a condamné le prétendu « procès
de Moscou » fait au chef du gouvernement.
Cette offensive
n’est pas isolée. Dans le Figaro, début avril, Nicolas Baverez
accusait : « Le Parlement est devenu une zone de non-droit. »
Ce défenseur des grands patrons déplorait « la liste des grandes
entreprises privées, françaises ou internationales, convoquées devant des
commissions d’enquête parlementaires ». Pour le chroniqueur
ultralibéral, ces « commissions (…) sont aujourd’hui dénaturées et
détournées de leur objet pour intervenir dans la stratégie des entreprises
privées et mettre en cause leurs dirigeants ».
Visée, notamment,
la commission sur les aides publiques (dont le rapporteur est le sénateur et
directeur de l’Humanité, Fabien Gay), qui révulse le Medef. « La manière dont la question est posée
(l’aide aux entreprises et ce qu’elles en font – NDLR) est faussée »,
se lamentait un PDG sur BFM Business, le 10 mai, dans une émission
consacrée à la dénonciation de ce travail d’enquête.
Le degré de
démocratie d’un pays se mesure en testant les limites des pouvoirs inscrits
dans ses textes. Donner des droits constitutionnels à l’opposition ne coûte
rien quand on est assuré qu’elle ne pourra pas s’en servir. Les mêmes qui se
félicitaient de ces droits théoriques s’affolent aujourd’hui de les voir
mis en pratique.
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