samedi 10 mai 2025

« FRANÇOIS IV, OU LE COUP DU RÉFÉRENDUM », le bloc-notes de Jean-Emmanuel Ducoin.



« Quand tu ne sais répondre à une question, réponds par une autre question !» Le vieil adage, qui a sorti de l’embarras bien des éditocrates, vient de trouver une traduction politicienne bien singulière. Nous savions depuis des décennies que François IV était obsédé par la tenue des finances publiques, thème qu’il porta jadis lors de trois campagnes présidentielles. Alors que les Français souffrent socialement, et qu’ils se disent mobilisés par le pouvoir d’achat, les retraites, voire l’idée d’une meilleure représentation démocratique par l’introduction de la proportionnelle aux législatives, le premier sinistre, incapable de répondre à ces questions, a sorti de son chapeau un tout autre sujet, comme s’il voulait partager son obsession, sinon l’imposer à tous les citoyens. Ainsi vient-il d’annoncer, dans les colonnes du Journal du dimanche, détenu par Vincent Bolloré, qu’il envisageait la convocation d’un référendum afin que les Français approuvent une baisse drastique de la dépense publique. Les mots de François IV sont assez clairs : «Il faut un plan complet de retour à l’équilibre», prévient-il. D’ici quelques années, «le seul service de la dette – c’est-à-dire les intérêts annuels – pourrait atteindre 100 milliards d’euros», alerte-t-il, soit les «budgets de l’Éducation nationale et de la Défense réunis». La ficelle est énorme…

 

François IV veut que les Français adoptent par référendum un « plan de réformes » qui ressemblerait à s’y méprendre à un projet de loi de finances. Coup de bluff ou coup de force contre la représentation nationale, sachant qu’en République la normalité consiste à ce que ce soit l’Assem­blée nationale qui vote le budget ? Et pourquoi pas une forme d’impuissance, face à un sujet qui le dépasse ? D’où la pirouette, puisque jamais les Français n’auraient imaginé un jour être consultés sur ce sujet. Car l’idée surréaliste du premier sinistre serait donc de faire avaliser par le peuple lui-même un plan de super-austérité… dont il serait la première victime. Aussi entend-il revenir, à l’horizon de quatre ans, « sous la barre des 3% (du PIB) de déficit ». Il était de 5,8% l’an passé. Pour cela, l’économie à réaliser est de l’ordre de « 40 milliards » d’euros, projette-t-il en partie en révisant à la baisse les effectifs de fonctionnaires, proposition qu’il assume. En ligne de mire, également, la Sécurité sociale. Pour mémoire, lors de sa déclaration de politique générale en janvier, François Bayrou avait estimé que la moitié du déficit de l’État était imputable au système de retraite.

 

Résumons le programme : des méga coupes budgétaires dans les services publics et les prestations sociales, voire une hausse de la durée du travail, et évidemment rien sur la maudite réforme des retraites. En soumettant ce plan à un référendum, François IV ne vise rien de moins qu’à obtenir l’adhésion des Français à un processus inique et global qui demandera des efforts à tout le monde. Ou comment transformer un acte démocratique – un référendum – en une puissante entreprise idéologique dont le seul but reste de promouvoir la doxa libérale auprès des Français. N’en doutons pas : la manœuvre politique est impressionnante… et peut impressionner. Difficile d’imaginer l’adhésion des Français à une cure d’austérité sans précédent, alors que ces derniers restent opposés à 68% à la réforme qui les oblige à travailler deux ans de plus. Puisque chacun y va de son idée, voici celle du bloc-noteur : en quatre décennies, en France, 10% de la valeur ajoutée est passée du travail au capital. L’un des casses du siècle les plus monumentaux, puisqu’il représente quelque 300 milliards d’euros ! En somme, la part revenant aux salariés a chuté progressivement dans le pays. Selon l’Insee, elle était de 75% au début des années 1980, elle stagne désormais autour de 65%. N’importe quel spécialiste un peu sérieux vous le dirait : la répartition de la valeur ajoutée entre le capital et le travail constitue un enjeu économique et politique fondamental, un choix de société. Et si on organisait un référendum ?

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

LE FIL DES MOTS.

Au fil des mots se tissent les pensées et sa main caresse le passé, Il sent sous ses mains glacées la chaleur d’un souvenir blessé. Quand le...