Dans quel monde le chef de la diplomatie française vit-il ? Au micro de France inter, mercredi, Jean-Noël Barrot se refusait à prendre au sérieux les menaces explicites d’annexion du Canada, du Panama et du Groenland brandies par Donald Trump. « La nature profonde des États-Unis d’Amérique, ça n’est pas d’être impérialiste », certifiait-il.
Passons sur les deux siècles de doctrine Monroe codifiant l’emprise
militaire, économique et politique des États-Unis sur les Amériques, jusqu’aux
coups d’États militaires téléguidés par la CIA pour installer sur le continent
des dictatures sanguinaires à sa solde. Passons sur la domination du dollar,
les traités de libre-échange taillés pour leurs intérêts, l’ajustement
structurel par lequel les capitalistes états-uniens ont imposé au monde leurs
diktats. Passons encore sur les guerres de Corée, du Vietnam, sur les putschs,
les complots, le réseau mondial de bases militaires destinées à intimider les
ennemis et les pays neutres pendant la guerre froide.
Depuis la chute de l’Union soviétique, la puissance militaire états-unienne
dicte seule sa loi. Elle concentre aujourd’hui 40 % du budget militaire
mondial. Les interventions armées qui se sont succédé depuis l’invasion de
l’Irak par Bush père en 1991, d’abord dirigées contre les « États
voyous », puis sous la forme d’une guerre sans fin contre le
« terrorisme », ont dessiné un monde toujours plus dangereux,
toujours plus instable, où la loi du profit se confond avec la loi du plus
fort, où la géographie des champs pétroliers et gaziers se superpose à celle
des champs de bataille.
Sur la pente du déclin, économique et politique, l’empire laisse libre
cours à un militarisme hargneux, raidi par les accents millénaristes que lui
insuffle une droite religieuse sûre de devoir triompher du « Mal ».
Donald Trump suit ce sillage. Il a déjà quitté le déguisement d’homme de paix
exalté par ses partisans.
Les États-Unis sont engagés dans une confrontation stratégique avec la
Russie et surtout la Chine, dont ils veulent à tout prix endiguer l’expansion
économique. Les nouvelles routes maritimes et les gisements que met au jour le
réchauffement climatique font de l’Arctique un nouveau théâtre de ces
rivalités. Il faut prendre Trump au sérieux : il est tout sauf
isolationniste. Il n’hésitera pas à allumer à son tour la mèche des guerres
commandées par les intérêts de Washington.
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