Il s’agit d’une pratique bien rodée. Usée même, tant elle est utilisée dès
l’instant où une situation politique se tend : la menace du chaos. On s’en
souvient, notamment, en 2005 quand une victoire du non au référendum sur le
traité constitutionnel européen devait, nous assurait-on, plonger la France et
l’Europe dans un véritable enfer. Aujourd’hui, ce sont les sept plaies d’Égypte
qui sont à deux doigts de s’abattre sur les Français si après le 49.3 sur le
PLFSS, une motion de censure devait être adoptée. Jusqu’à cet ultimatum de
l’article 16 de la Constitution, auquel pourrait recourir Emmanuel Macron
pour « assurer la continuité de l’État ».
Bien évidemment, dans la bouche des éditorialistes bon teint, les
irresponsables ce sont d’abord « ces élus du Nouveau Front
populaire » qui refuseraient de tenir compte de l’intérêt
supérieur du pays et seraient prêts à ouvrir les portes de l’enfer. Il faut
bien rappeler cependant que Michel Barnier est un premier ministre à la
légitimité pour le moins limitée. Nommé par un président de la République
minoritaire, issu d’une formation ultraminoritaire…
Le seul aspect majoritaire de ce gouvernement est le rejet de la politique
qu’il veut mettre en œuvre. Pour l’imposer et se sauver, Michel Barnier
n’hésite pas. Il négocie en direct avec le Rassemblement national pour rendre
encore plus dure la vie des plus fragiles en réduisant l’aide médicale d’État.
Un brevet d’humanité qui ne lui garantit pourtant pas la bienveillance du camp
lepéniste, qui en veut toujours plus.
Accuser la censure de générer le chaos, c’est regarder le doigt qui montre
la lune. C’est refuser d’admettre que la raison pour laquelle nous sommes dans
une telle situation relève de la responsabilité de l’exécutif. En refusant
de prendre en compte le vote des Français, en préférant les petites manœuvres
politiciennes, Emmanuel Macron a définitivement plombé le cadre institutionnel
d’une Ve République déjà démocratiquement à bout de souffle.
Reste en bout de course un fait irréfutable : la censure est légitime car
le pouvoir ne l’est plus.
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