lundi 2 décembre 2024

« Les sept plaies d’Égypte », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité.



Il s’agit d’une pratique bien rodée. Usée même, tant elle est utilisée dès l’instant où une situation politique se tend : la menace du chaos. On s’en souvient, notamment, en 2005 quand une victoire du non au référendum sur le traité constitutionnel européen devait, nous assurait-on, plonger la France et l’Europe dans un véritable enfer. Aujourd’hui, ce sont les sept plaies d’Égypte qui sont à deux doigts de s’abattre sur les Français si après le 49.3 sur le PLFSS, une motion de censure devait être adoptée. Jusqu’à cet ultimatum de l’article 16 de la Constitution, auquel pourrait recourir Emmanuel Macron pour « assurer la continuité de l’État ».

Bien évidemment, dans la bouche des éditorialistes bon teint, les irresponsables ce sont d’abord « ces élus du Nouveau Front populaire » qui refuseraient de tenir compte de l’intérêt supérieur du pays et seraient prêts à ouvrir les portes de l’enfer. Il faut bien rappeler cependant que Michel Barnier est un premier ministre à la légitimité pour le moins limitée. Nommé par un président de la République minoritaire, issu d’une formation ultraminoritaire…

Le seul aspect majoritaire de ce gouvernement est le rejet de la politique qu’il veut mettre en œuvre. Pour l’imposer et se sauver, Michel Barnier n’hésite pas. Il négocie en direct avec le Rassemblement national pour rendre encore plus dure la vie des plus fragiles en réduisant l’aide médicale d’État. Un brevet d’humanité qui ne lui garantit pourtant pas la bienveillance du camp lepéniste, qui en veut toujours plus.

Accuser la censure de générer le chaos, c’est regarder le doigt qui montre la lune. C’est refuser d’admettre que la raison pour laquelle nous sommes dans une telle situation relève de la responsabilité de l’exécutif. En refusant de prendre en compte le vote des Français, en préférant les petites manœuvres politiciennes, Emmanuel Macron a définitivement plombé le cadre institutionnel d’une Ve République déjà démocratiquement à bout de souffle. Reste en bout de course un fait irréfutable : la censure est légitime car le pouvoir ne l’est plus.

 

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