lundi 16 décembre 2024

« Après le passage du cyclone Chido à Mayotte, l’incurie de Paris », l’éditorial de Marion d’Allard dans l’Humanité.



Combien de morts sous les décombres enchevêtrés ? Combien de blessés que les établissements de santé dévastés ne pourront pas soigner ? Combien d’enfants traumatisés ? Combien de temps, encore, pour comprendre que les Mahorais ne sont pas simplement les énièmes malchanceux d’une quelconque « catastrophe naturelle », mais les doubles victimes du réchauffement climatique et de l’incurie de Paris ? Chido, renforcé par l’élévation des températures océaniques, a transformé Mayotte en champ de ruines en frappant l’archipel de ses vents surpuissants.

Les bâtiments « en dur » ont été très endommagés, les immenses bidonvilles de toile et de tôle, refuges précaires de près de 100 000 personnes, ont été pulvérisés. Le Giec a de longue date documenté le phénomène. À la faveur du réchauffement global, les cyclones tropicaux se renforcent, en fréquence et en puissance. Les petites îles sont les plus vulnérables et les populations précaires les premières victimes. Mayotte est une synthèse. Chido n’est pas et ne restera pas un cas isolé.

Dans le 101e département français, où 77 % de la population survit en dessous du seuil de pauvreté, où le taux de chômage tutoie des sommets, où l’eau potable n’est accessible qu’aléatoirement et où le choléra continue de tuer, la faillite de l’État est généralisée. Terrain privilégié des expériences sécuritaires du ministère de l’Intérieur, l’île, devenue le laboratoire de pratiques anti-immigration aussi inhumaines qu’inutiles, est en réalité en proie, plus qu’aucun autre territoire de la République, à l’abandon systématique des pouvoirs publics.

Les grandes tirades et les beaux discours de solidarité des ministres démissionnaires sont inaudibles. Oui, l’aide d’urgence est indispensable et la reconstruction des infrastructures une priorité. Mais, au-delà de l’immédiat, aux habitants de Mayotte, l’État doit bien davantage : le respect de leurs droits, l’accès aux services publics, l’égalité, la sécurité, la fin d’une logique coloniale mortifère, désormais meurtrière.

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