La manipulation est tellement éculée qu’on pensait, naïvement, que le débat
public n’y replongerait pas. Au gré de faits divers dramatiques, l’emballement
politico-médiatique sur « une jeunesse de plus en plus violente » a
repris du service à quelques semaines des élections européennes. Le président
de la République y voit un nouveau signe du « processus de
décivilisation », quand le premier ministre appelle à « un
sursaut d’autorité ». Qu’importe que les études scientifiques
démontrent l’inverse, à savoir une baisse notable du nombre de mineurs
condamnés pour crimes ou délits. Le discours sur des mineurs délinquants de
plus en plus jeunes et de plus en plus violents a beau être vieux comme le
monde, et faux, ce fantasme est tellement opérant que l’exécutif n’hésite pas à
s’y vautrer, livrant ainsi du carburant supplémentaire à l’extrême droite, qui
n’en demandait pas tant.
« Aujourd’hui, c’est la République
qui contre-attaque », a même osé
Gabriel Attal pour enrober une pluie de mesures inutiles et dangereuses. Le
grotesque de cette phrase ferait presque sourire si le sujet n’était pas si
grave. Car la répression de la jeunesse est peut-être une idée
populaire, mais c’est un échec total.
Alors la République ferait bien de s’interroger sur les violences qu’elle-même
fait subir à ses enfants. Chaque semaine, l’un d’entre eux meurt sous les coups
de ses parents. 24 % des Français estiment avoir été victimes de
maltraitances graves dans leur enfance. Tous les ans, 160 000 mineurs
sont victimes de violences sexuelles. Tous ces chiffres ont des visages, des
histoires de vies douloureuses et chaotiques. De la violence familiale à la
violence institutionnelle, comment un mineur peut comprendre qu’il va être
sanctionné pour faits de violences quand lui-même n’a jamais été
protégé ? Tous les acteurs, des magistrats aux travailleurs sociaux, ont
beau alerter depuis des années, rien n’y fait. L’état de l’aide sociale à
l’enfance est si catastrophique que la Défenseure des droits affirmait déjà en
2022 que « la protection de l’enfance aujourd’hui n’est plus, dans
de nombreux territoires, dûment assurée ». Il faudra plus que des
couvre-feux pour protéger les enfants de la violence….
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire