lundi 29 mai 2023

« Cynisme fiscal », l’éditorial de Maud Vergnol dans l’Humanité Magazine



C’est l’obsession maladive des plus riches: échapper au prétendu «matraquage fiscal». Cest aussi le comble du cynisme libéral: faire croire aux autres que baisser leurs impôts améliorera significativement leurs conditions de vie. Ce mantra, Emmanuel Macron ne cesse de le décliner sur tous les tons. En recherche désespérée de popularité, il a annoncé, le 15 mai, une future baisse de 2 milliards de l’impôt sur le ­revenu pour les «classes moyennes». Cette mesure, qui demeure extrêmement floue, naidera pas beaucoup le «pouvoir dachat» des Français. Si le locataire de l’Élysée veut réellement laméliorer, quil sattaque aux inégalités de patrimoine, à la spéculation, et qu’il pousse à l’augmentation des salaires!

Emmanuel Macron s’enorgueillit d’avoir déjà réduit les impôts, lors de son premier quinquennat, de 50 milliards d’euros (la moitié de cette baisse concerne les entreprises). Depuis sa réélection, il a encore engagé une quinzaine de milliards d’euros de baisses, avec notamment la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Faute de taper au portefeuille des plus fortunés, les recettes de l’État fondent comme neige au soleil, ce qui obère d’autant le financement de la solidarité nationale. Ce qu’il donnera d’une main par la fiscalité, le président le reprendra au centuple de l’autre, en fragilisant la protection sociale et les services publics, patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Autrement dit, à long terme, l’addition, pour toutes les baisses d’impôts consenties, s’avérera beaucoup plus salée pour une grande majorité de Français.

Pourtant, face à l’urgence climatique, à la crise du logement, ou aux enjeux de réindustrialisation, les investissements à engager sont immenses. La fiscalité représente un puissant moyen de financement pour répondre à ces besoins et réduire les inégalités. À condition que l’effort soit justement réparti. Et c’est là que le bât blesse. Quelques chiffres dressent un bilan implacable des mesures prises lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron: le 1 % le plus riche a vu son niveau de vie augmenter de 2,8 %, soit la plus forte proportion sur lensemble de la population. En 2021, les impôts des ménages représentaient une contribution équivalente à 23,8 % du PIB, tandis que les impôts payés par les entreprises, 5,9 %. Le capital est moins taxé que le travail.

Dans ces conditions, le consentement à l’impôt est fortement écorné. Summum de démagogie, le gouvernement a lancé, le 25 avril, alors que les Français remplissaient leur déclaration annuelle, une consultation intitulée «En avoir pour mes impôts». Un questionnaire biaisé, dont lexécutif sait davance quil viendra donner du grain à moudre à ses futures coupes dans les dépenses publiques. En nourrissant le rejet de l’impôt, quand une majorité de Français refusent en réalité l’injustice fiscale, Emmanuel Macron joue là encore un jeu dangereux.

Dans les années cinquante, dénonçant une «Gestapo fiscale» et appelant artisans et commerçants à se rebeller contre limpôt, Pierre Poujade avait fait élire 52 députés de son mouvement. Parmi eux, un jeune loup de 27 ans, Jean-Marie Le Pen. «La tyrannie fiscale, ça suffit!» déclare, encore aujourd’hui, sa progéniture, à la tête du Rassemblement national. Si la haine de l’impôt est l’une des marques de fabrique de l’extrême droite, c’est qu’il touche au cœur de la redistribution et à l’universalité des droits.

L’impôt n’est pas le problème, mais la solution. Tout pousse à une révolution d’ampleur. Les propositions existent. Elles sont sérieuses, chiffrées. «Il ny a quune seule façon de tuer le capitalisme, écrivait Karl Marx: des impôts, des impôts et toujours plus dimpôts.»

 

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