C’est l’obsession maladive des plus riches : échapper au prétendu « matraquage
fiscal ». C’est aussi le comble du cynisme libéral : faire
croire aux autres que baisser leurs impôts améliorera significativement leurs conditions de vie. Ce
mantra, Emmanuel Macron ne cesse de le décliner sur tous les tons. En recherche désespérée de
popularité, il a annoncé, le 15 mai, une future baisse de
2 milliards de l’impôt sur le revenu pour les « classes
moyennes ». Cette
mesure, qui demeure extrêmement
floue, n’aidera pas beaucoup le « pouvoir d’achat » des Français. Si le locataire de l’Élysée veut réellement l’améliorer, qu’il s’attaque aux inégalités de patrimoine, à la
spéculation, et qu’il pousse à l’augmentation des salaires !
Emmanuel Macron s’enorgueillit d’avoir déjà réduit les
impôts, lors de son premier quinquennat, de 50 milliards d’euros (la
moitié de cette baisse concerne les entreprises). Depuis sa réélection, il a
encore engagé une quinzaine de milliards d’euros de baisses, avec notamment la
suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Faute de taper au
portefeuille des plus fortunés, les recettes de l’État fondent comme neige au
soleil, ce qui obère d’autant le financement de la solidarité
nationale. Ce qu’il donnera d’une main par la fiscalité, le président le
reprendra au centuple de l’autre, en fragilisant la protection sociale et les
services publics, patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Autrement dit, à long
terme, l’addition, pour toutes les baisses d’impôts consenties, s’avérera
beaucoup plus salée pour une grande majorité de Français.
Pourtant, face à l’urgence climatique, à la crise du
logement, ou aux enjeux de réindustrialisation, les investissements à engager
sont immenses. La fiscalité représente un puissant moyen de financement pour
répondre à ces besoins et réduire les inégalités. À condition que l’effort soit
justement réparti. Et c’est là que le bât blesse. Quelques chiffres dressent un
bilan implacable des mesures prises lors du premier quinquennat d’Emmanuel
Macron : le 1 % le plus
riche a vu son niveau de vie augmenter de 2,8 %, soit la plus forte proportion sur l’ensemble de la population. En 2021, les impôts des ménages représentaient
une contribution équivalente à 23,8 % du PIB, tandis que les impôts payés
par les entreprises, 5,9 %. Le capital est moins taxé que le travail.
Dans ces conditions, le consentement à l’impôt est
fortement écorné. Summum de démagogie, le gouvernement a lancé, le
25 avril, alors que les Français remplissaient leur déclaration annuelle,
une consultation intitulée « En avoir pour mes impôts ». Un questionnaire biaisé, dont l’exécutif sait d’avance qu’il viendra donner du grain à moudre à ses futures coupes dans les dépenses
publiques. En nourrissant le rejet de l’impôt, quand une majorité de Français
refusent en réalité l’injustice fiscale, Emmanuel Macron joue là encore un jeu
dangereux.
Dans les années cinquante, dénonçant une « Gestapo
fiscale » et appelant
artisans et commerçants à se rebeller contre l’impôt, Pierre Poujade avait fait élire 52 députés de son mouvement. Parmi eux, un jeune loup de 27 ans, Jean-Marie Le Pen. « La tyrannie fiscale, ça suffit ! » déclare, encore aujourd’hui, sa progéniture, à la tête
du Rassemblement national. Si la haine de l’impôt est l’une des marques de
fabrique de l’extrême droite, c’est qu’il touche au cœur de la redistribution
et à l’universalité des droits.
L’impôt n’est pas le problème, mais la solution. Tout
pousse à une révolution d’ampleur. Les propositions existent. Elles sont
sérieuses, chiffrées. « Il n’y a qu’une seule façon de tuer le capitalisme, écrivait Karl
Marx : des impôts, des impôts et toujours plus d’impôts. »
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