jeudi 28 juillet 2022

Le petit vieux des rues !

 


Il est venu sage, réveiller les consciences, fatigué des fléaux qu’il vivait sans patience. Portant haut et fier ses idées saugrenues, il semait son limon sans plus de retenue. Il était singulier, chacun le connaissait, le désir un peu fou, de ces adolescents qui refont le monde toujours évanescent. Ce n’est qu’un rêve fou, celui d’un sauvageon, un petit gosse des rues, véritable bourgeon. Aujourd’hui, il est vieux, mais son cœur est le même, il tourmente sans fin les gens de son emblème. La paix, l’amour, la vie suivie de l’amitié sont belles devises qu’il doit toutes initier. Alors, il continue comme avant, pour diffuser encore son propos captivant.  Sortez de vos esprits ces obscures violences, et agissez avec moi pour avoir plus d’audience. Ce n’est qu’un rêve pieux, celui d’un sauvageon, un petit vieux des rues qui n’est plus un bourgeon. Chaque jour son verdict sans appel retentit quand il ne peut parler, dans ce cas il écrit. Contre ces ambitieux, en mal de gouvernance, qui avec scandale font sans honte bombance. De ses mots courroucés, il fait des poésies et se bat courageux, contre les amnésies de ce monde cruel où les petits se perdent et s’abîment devant la brutalité et la froideur  de leurs exploiteurs. Ce n’est plus un rêve, une douce illusion, un petit vieux des rues, plein d’imagination.

samedi 23 juillet 2022

C'est la planète qui pleure !

 


C’est la planète qui est malade, et qui, pâle, vomit toute pollution qu’on lui a rentrée dans les poumons. C’est la planète qui pleure et qui gémit et qui, rouge, crie toute sa colère, contre la guerre qu’on lui a mise dans les artères. C’est la terre qui râle et qui soupire. C’est la terre qui hurle et se déchire, qui pleure toutes les punitions amères qu’on lui inflige comme aux enfants. La terre est en mouvement de grève. Elle ne veut plus donner de vie. Elle ne veut plus tourner son dos pour que le soleil se lève. La terre fait une manifestation contre les malheurs et les misères. Contre les scorpions de la haine et les démons de la réputation. Elle dit non à l’humanité entière et secoue la tête pour dire non et non. Elle en a ras le bol la terre, des moulins et des saisons. Elle est en grève la terre, pour tous les fous, pour tous les démons. Pour ceux qu’on enferme sans rien dire dans des cages dorées et des prisons de lumière. Pour tous ceux qu’on cache et qu’on dénonce. Elle dit non à toutes les excuses. Il n’y a pas plus grand que le soleil. Il n’y a que lui qui résiste à l’usure. Et c’est sa manifestation à elle, pour appeler les humains à la raison.

lundi 18 juillet 2022

L’élégance d’un vol de grues cendrées !



Nous les envions de vivre, si haut et si libres. C’est une très grande joie que de suivre des yeux un vol de grues cendrées. Elles forment un gigantesque V qui ondule mais ne se brise pas, poursuivent une route mystérieuse vers des contrées lointaines que nous ne verrons jamais. Comment ne pas aimer cette déchirante beauté de ces vols qui disparaissent à l’horizon mais qui, pourtant, continuent de vivre quelque part. Ils expriment dans leur grandeur sauvage la blessure des regrets. C’est à l’automne que l’on aperçoit le plus de vols dans le ciel, les palombes en octobre, les grues cendrées en novembre, et au cœur de l’hiver, ceux des vanneaux. Ces oiseaux de passage ont tendance, sans doute à cause des modifications climatiques, à s’attarder chez nous. Le plus secret d’entre eux est la bécasse. On l’attend, on l’espère, or elle ne voyage pas en groupe mais seule. C’est cet oiseau qui exprime le mieux le mystère du passage. Ces oiseaux fragiles et magnifiques sont dans la mort d’une tristesse infinie. En revanche, dans la vie, leurs yeux d’un noir brillant savent voir ce que nous ne verrons jamais. Auparavant, apercevoir un héron tenait du miracle. Aujourd’hui, ils sont plus nombreux dans les prairies, dans les lits des rivières et près des lacs. C’est toujours un enchantement que de surprendre l’un d’eux, une patte levée, cherchant dans l’eau basse l’ablette ou le gardon dont ils se nourrissent. Ils sont devenus de moins en moins farouches. Leur vol, d’une extrême souplesse, est une merveille de grâce et d’équilibre. Le gris de leur plumage ressemble à celui des ciels de neige. Ils étonnent toujours le regard par leur grandeur inhabituelle en des lieux où les oiseaux sont de moindre envergure. C’est le cas des rapaces, qui, eux, pour la plupart, ne migrent pas et nichent au plus haut des arbres. Le plus répandu est la buse, qui tourne tout le jour sur les ailes du vent, pour guetter une proie jusqu’au cœur des basses-cours. C’est un bel oiseau, aux plumes rousses, à l’œil violent, dont le vol lourd est silencieux. Comme celui des milans, qui demeurent des heures, suspendus au plus haut du ciel, et dont l’appel bref et rauque trahit une inquiétude pour les oisillons restés au nid. Depuis quelques années, les cormorans, qui, il y a dix ans, ne peuplaient que les bords de mer, ont rejoint les éperviers et leur disputent leur pitance. J’ai horreur de ces grands oiseaux noirs, au cou tordu, qui peuvent rester plusieurs minutes dans l’eau et dévastent lacs et rivières. Pour quelles raisons ont-ils quitté les rivages de la mer pour passer l’hiver sur les plans d’eau et rivières ? Nul ne le sait vraiment. Quelque chose s’est rompu dans l’équilibre de ces espèces. Les migrateurs ne sont plus les mêmes et bon nombre de ceux qui migraient sont devenus sédentaires. Le monde a changé. Les oiseaux aussi. Comme parfois, les êtres humains, ils ont perdu leurs repères. Pas tous heureusement ; les oies sauvages et les grues cendrées continuent de tracer les mêmes routes, très haut, dans le ciel d’automne, et notre regard peut les suivre jusqu’à l’horizon dans lequel elles se fondent. Quand elles ont disparu, nous savons qu’elles continuent de vivre quelque part. Chaque fois, en les perdant des yeux, on peut penser aux mots magiques de Saint-John Perse : « Doublant plus de caps que n’en lèvent nos songes, ils passent, et nous ne sommes plus les mêmes. »

vendredi 15 juillet 2022

Fleurs des champs !

 


On aime s’allonger, disparaître dans les herbes et les fleurs au sommet de leur gloire. Quelques pâquerettes, dont le cœur jaune d’or se détache par plaques offrent leurs pétales fragiles à des comptines naïves aujourd’hui oubliées : « Je t’aime, un peu, beaucoup, point du tout. » Oui, on peut aimer passionnément, à la folie, les plus petites choses ; par exemple ces fleurs qui évoquent les étoiles du ciel, l’infiniment grand rejoignant l’infiniment petit. Les fleurs des champs sont d’une autre nature : de couleur plus violente, pour la bonne raison qu’elles ont dû lutter davantage pour naître. Quoi de plus beau que les coquelicots dans les blés ? Ce rouge vif dans la blondeur des épis trahit des blessures secrètes. Peut-être les blessures d’une vie à laquelle nous n’avons pas accès, mais qui, pourtant, ressemble à la nôtre. Les bleuets, souvent violacés, qui essaiment au milieu des épis font éclater le violet rosé de leurs fleurs avec la même violence. Ils poussent rarement dans les prés où fleurissent les coquelicots. On rêve d’une rencontre entre ces deux couleurs dans le jaune clair des épis. Van Gogh en aurait fait son bonheur. Comme, peut-être, de ces matricaires d’or, aux ligules blanches, qui poussent près des cultures, ou de ces onagres rougissantes qui éclaboussent les talus de grosses fleurs, douces comme un duvet de pigeon. Au bord des chemins, nous nous penchons volontiers sur le pourpre des chardons qui s’accrochent si bien aux vêtements et que nous jetions, enfants, dans la cour de l’école, sur les blouses auxquels ils se fixaient sans bruit. Ce sont ces fleurs que je préfère. Celles qui accompagnent fidèlement sans rien demander en retour, simplement pour rendre le monde plus beau, plus accueillant.

dimanche 10 juillet 2022

Parlons "Réformes"



Tout ce que la France compte d’adeptes du libéralisme entonne le même refrain : La France a été, ces deux dernières décennies, incapable de se rassembler pour « réformer ». Plusieurs articles et éditoriaux y ont été consacrés. En voici quelques passages « délicieux ». " C’est un revers majeur, pire, un aveu de faiblesse, pour tous ceux qui nous gouvernent depuis plus de vingt ans. Mais c’est surtout la démonstration consternante qu’il était impossible en France de réunir des majorités d’idées, constituées d’élus de gauche, de droite et du centre pour faire AVANCER DES RÉFORMES. Ce qui aurait été un marqueur symbolique fort a été balayé par une alliance des conservatismes de droite et de gauche.

« Réformes », justement arrêtons-nous sur ce terme utilisé hier par SARKOZY, par le couple HOLLANDE-VALLS et depuis plus de cinq ans par Macron et les siens, jusqu’à l’overdose. Si l’on s’en tient à la définition du dictionnaire : "la réforme" est un changement dont le but est d’apporter des améliorations ». En règle générale ce terme était utilisé pour donner à son objet une marque progressiste. Pendant des décennies, en gros à la fin du XIXème siècle jusqu’à la présente crise du capitalisme, au sein du mouvement ouvrier ou en marge de celui-ci, le mot réforme a désigné des transformations des rapports capitalistes de production, de propriété ou de classes destinées à améliorer la condition des travailleurs salariés en général. En dépit des illusions réformistes, de telles réformes ont constitué de réels progrès pour les salariés. Aujourd’hui au contraire, lorsque idéologues et politiciens néolibéraux parlent de nécessaires « réformes » à entreprendre, ils entendent remettre en cause non seulement les conquêtes des travailleurs, fruits de leurs luttes antérieures, mais encore le principe même selon lequel le sort des travailleurs pourrait s’améliorer à la faveur de la transformation des rapports capitalistes de production. C’est ainsi que la « réforme des retraites » conduite ces dernières années, qui serait achevée par les annonces du monarque, a généré, en même temps qu’un allongement de la durée du travail, une dégradation du pouvoir d’achat des retraités au cours des prochaines décennies, en faisant réapparaître le spectre de la vieillesse indigente. Dans le discours libéral « la Réforme c’est la contre-Réforme » !

Les réformes structurelles néolibérales sont facilitées par l’utilisation d’euphémismes qui laissent à penser qu’il s’agit de réformes marginales. Ainsi les politiques d’austérité se transforment en maîtrise des finances publiques. Les termes implicites sont également utilisés pour favoriser la mise en place de politiques néolibérales. Ainsi l’utilisation du mot assainissement pour évoquer les finances publiques laisse à penser « qu’elles ne sont pas saines ». La mise à la diète des fonctionnaires sous-entend que « ces derniers vivent dans l’opulence ».
La modération salariale renvoie à la même idée concernant les salariés. Dans le même esprit les politiques de privatisation consistent à faire « respirer » le secteur public et les politiques de démantèlement du code du travail consistent à « s’attaquer aux rigidités de ce dernier ». Le rapport à l’emploi est également décrit d’une manière particulière, puisqu’il s’agit de « décrocher un emploi », comme s’il s’agissait d’une chance exceptionnelle. Pour y parvenir, il est demandé d’être « flexible », c'est-à-dire de s’adapter aux contraintes horaires ou géographiques de son employeur, voir « agile », en démontrant par exemple sa capacité à prendre un emploi de 2 mois à Riga ou à Lisbonne ! Un plan de licenciement est devenu un « plan social » ou un « plan de sauvegarde de l’emploi ». Le démantèlement du système de protection sociale devient un « plan de modernisation et de sauvegarde de ce système ». Le terme de compétitivité s’insère dans de nombreux domaines tels que les hôpitaux, les universités. Les usagers des services publics deviennent des « clients ». La confrontation patrons-syndicats est également biaisée puisqu’au lieu de la considérer comme un rapport de force, c'est-à-dire une lutte de classes, la novlangue néolibérale utilise des termes tels que partenaires sociaux ou dialogue social, qui laissent à penser que les « partenaires » ont les mêmes intérêts.

A l’arrivée on veut déposséder le peuple de ses mots pour que non seulement il ne puisse plus intervenir sur son avenir mais qu’en plus il ne soit plus en capacité de comprendre. Les néolibéraux n’ont qu’un objectif : celui de faire disparaître l’idée que le peuple peut prendre en main son avenir. Cette prépondérance du discours néolibéral ne peut s’accommoder de la disparition de termes tels que capital, capitalisme, exploitation, communisme. Cette terminologie doit, plus que jamais, servir de langage, d’outils d’analyse, de signes de reconnaissance aux protagonistes des luttes anti capitalistes. Il est absolument nécessaire de combattre cette opacité volontairement entretenue pour que le peuple se désintéresse de son propre sort. Cela fait partie intégrante de la lutte des classes !

vendredi 8 juillet 2022

Les parfums !



On a souvent évoqué le parfum des foins, des bois mouillés, de la mousse, du bois qui brûle, des vieux poêles d’école, de la craie. Comme ceux des jardins arrosés les soirs d’été, des prunes chaudes qui ont chu sur le sol et qui pourrissent, accablés d’abeilles. Ainsi que ceux des tilleuls, des sureaux, des grains de blé, de maïs, des séchoirs ouverts à tous les vents ce n’est pas le cas du parfum des greniers, de leur sécheresse, des vieux objets qui ne serviront plus, de leur poussière, des fleurs mises à sécher, des débris végétaux. Voilà un parfum qui ce qui ne dure pas, ce sur quoi le temps s’est acharné, un parfum qui ne se console de rien : ni de vieillir ni de mourir un jour. Peut-être est-ce en automne, plus qu’au printemps, que les parfums sont les plus lourds, les plus épais, les plus présents. L’automne, c’est surtout la saison des marches en forêt, du parfum puissant des arbres, des fougères et des champignons. Rien ne sent meilleur qu’un panier de cèpes sur un lit de mousse. À seulement écrire ces mots, j’en ressens l’humidité profonde, vivante, charnue, et je devine celui qui montera de la poêle à peine chaude. On peut marcher des heures sans trouver la moindre girolle, à respirer les sous-bois. Surtout s’il pleut. Alors les parfums s’alourdissent, errent au ras du sol en vagues épaisses que les jambes soulèvent, et pénètrent dans les poumons si profondément, si intensément, qu’ils portent à la suffocation. Mais cette suffocation n’est pas douloureuse, au contraire : elle ouvre les tissus, les régénère, donne au corps l’impression de s’inscrire dans le monde végétal, d’en émerger soudain comme une plante. Parfois s’y ajoute l’odeur d’écorce putréfiée, de vieille souche, de feuilles en décomposition. Quand on sort de la forêt l’air nous paraît moins riche, appauvri, à peine respirable. Alors on hisse son panier vers ses narines pour prolonger le bonheur de la forêt perdue. L’hiver fige les parfums, les vitrifie. Ils n’errent plus aussi facilement que pendant les saisons de verdure. Seul celui des feuilles déchues monte durant les après-midi, quand le gel a fondu. Mais dans ce vide des sens, surgit brusquement l’odeur des cheminées, de la fumée de bois. Quelque chose nous soulève, nous transporte aussitôt vers le jadis, nous offrant la certitude, que le feu de bois, venu des très loin, du fond des âges. Il arrive que cette odeur surgisse en ville au détour d’une rue : celle d’un foyer pauvre, qui se chauffe au bois, avec une cuisinière ou un vieux poêle. J’en cherche la source et la découvre sans peine : une modeste et petite maison de pierre, aux volets bruns, aux fenêtres anciennes, étonnée d’être là. Le printemps réveille les parfums, mais pas avant le mois de mai. Rarement en avril, sauf s’il ne fait pas froid. C’est d’abord celui des fleurs des cerisiers sauvages, puis de l’herbe neuve, des premières graminées, des jonquilles, enfin celui des feuilles. Il en est un que j’attends : rare, léger, très doux, celui des cerises. Il dure au moins trois semaines, et s’épaissit un peu sur la fin, quand les fruits sont bien mûrs. Le parfum des aires de battage lors des moissons est perdu. Ce sont les grands céréaliers qui moissonnent avec des machines géantes. Si le parfum des blés s’éteint, demeure au moins celui des chaumes, chaud comme le pain, qui nous parle d’étés interminables, de battages caniculaires, de paille et de grains, des balles en suspension dans un air épais comme une soupe, de repas sous les chênes, de rires et de chants.

« Au rendez-vous », l’éditorial de Laurent Mouloud dan l’Humanité.

  « Va à la niche ! Va à la niche ! On est chez nous ! »  Diffusées dans  Envoyé spécial , les images de cette sympathisante RN de Montarg...